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Les animaux sont-ils... bêtes ?
Pour l'opinion courante, appelée souvent à tort la sagesse populaire, les relations entre les hommes et les animaux paraissent simples : il y a d'une part les hommes qui monopolisent l'intelligence et se targuent d'être la forme la plus évoluée de la nature ...Et il y a les animaux dont le comportement est dicté par l'instinct, c'est-à-dire une pulsion irréfléchie ...Cette opposition a été formalisée par le philosophe français René descartes qui définit l'homme en fonction de sa "raison" le distinguant de l'animal "machine"… Et ce n'est pas par hasard qu'un comportement "anormal" de l'homme est qualifié de... "bête" ou, pire encore, de... "bestial".

Néanmoins, il arrive souvent que l'homme reconnaisse à l'animal une "certaine intelligence", comme si celle-ci était, à l'inverse, également "anormale"... et d'ailleurs il ne fait alors qu'utiliser l'animal que pour illustrer une caractéristique humaine, comme cela apparaît dans de nombreuses expressions : avoir une mémoire d'éléphant, mener une vie de chien, prendre un remède de cheval, faire un travail de fourmi, être doux comme un agneau, avoir mangé du lion - ce qui est en l'occurrence tout un symbole – etc... Il est vrai que cette comparaison a ses limites et ne met pas l'animal à l'égalité de l'homme, car celui-ci a toujours considéré qu'il était "à part", qu'il s'agisse autrefois de sa création particulière par Dieu, ou de son apparition originale dans l'évolution des espèces, quand celle-ci fut révélée par le biologiste anglais Charles Darwin au 18ème siècle... car, en aucun cas, on ne pouvait admettre que "l'homme descend du singe" ! En fait, même si la filiation des "hominidés" est plus complexe, la science moderne a, depuis lors, montré que l'homme appartient bien au règne animal... et que, par conséquent, l'homme a beau "faire... l'ange"... il n'en "fait pas moins la... bête" !

Mais, si l'homme fait la bête, est-ce à dire que l'animal est intelligent comme lui ? Evidemment, il n'y a pas de réponse possible sans définir d'abord l'intelligence : l'homme considère qu'elle est la "faculté de connaître et de comprendre son environnement", mais c'est une définition... humaine, et cela ne signifie pas pour autant que l'animal ne soit pas capable de s'adapter à son environnement... Il a en effet ce qu'on peut appeler une "intelligence sensible" qui peut même dépasser dans certains cas les possibilités de l'homme, par exemple pour la vision, l'odorat, le sens de l'orientation... Les abeilles ont un champ de vue supérieur à celui des hommes, les loups ou les ours sentent leurs congénères à longue distance, les saumons connaissent le chemin de la mer des Sargasses... On parle même parfois de faculté particulière, appelée -faute de mieux - un "sixième sens", qui permet à un chien de hurler à la mort quand son maître disparaît à grande distance de lui... ou encore à certains animaux de fuir une région avant l'arrivée d'une catastrophe...

Pour prouver la "supériorité" de l'homme, on a pu objecter que celui-ci a le privilège du "langage"... Privilège, vraiment ? D'abord, le langage humain ne s'est formé que progressivement à partir des cris sommaires qui devaient caractériser l'homme préhistorique... Or, justement, les animaux émettent des cris, qui changent le plus souvent en fonction des circonstances : l'appel du chat à sa femelle n'est pas le même que le feulement de celui qui a peur ou le miaulement de celui qui réclame à manger... Il y a incontestablement une "communication" entre les animaux d'une même race, qu'il s'agisse de la poule - réputée particulièrement... bête - qui glousse devant quelques grains pour attirer ses congénères, ou des chauves-souris qui émettent des ultra-sons inauidibles par l'homme... On objectera encore que l'animal n'a pas la capacité "d'abstraction" que détient l'homme : certes l'animal, même le plus avisé, n'est pas capable de résoudre une équation du 2ème degré à deux inconnues, ni d'élaborer une théorie philosophique... Mais un renard est capable de noyer son odeur dans un ruisseau pour échapper à un chasseur en courant à gué sur une centaine de mètres... Des éléphants savent se rassembler autour d'un congénère blessé ou malade... Et des expériences ont montré qu'un singe parvient à résoudre un problème simple de calcul ou de mécanique pour attraper une banane... Dans tous ces exemples, il y a association d'idées, donc une intelligence "abstraite"... Et certains animaux font même preuve d'une intelligence "collective", comme l'a montré naguère l'essayiste belge Maurice Maeterlinck dans ses ouvrages sur "la Vie des abeilles", "La vie des fourmis" et "la "Vie des termites"...

Il n'est donc pas possible de dénier l'intelligence aux animaux, même si elle est chez eux inégale et multiforme... Et ceci d'autant moins que, sans être "formulée", elle les conduit "pratiquement" à respecter la nature dans une symbiose où ils prennent ce qui leur est indispensable pour vivre, mais sans tout détruire, comme s'ils ressentaient la nécessité de sauvegarder l'avenir pour leur espèce... Ce qui n'est pas le cas des hommes, qui non seulement sont responsables de la disparition de nombreuses espèces d'animaux, mais organisent pour certains d'entre eux, qualifiés de "domestiques", des tueries innommables, comme celle des volailles auxquelles on arrache la tête alors qu'elles sont encore vivantes, ou encore des boeufs ou des cochons saignés alors qu'ils sont conscients... parfois en conformité avec un rituel religieux, sans parler de l'horreur de la "vivisection"... Comment justifier de tels "crimes contre l'animalité", sans en conclure qu'il reste chez les hommes un fonds de barbarie, le même qui les a poussés à commettre, notamment à l'époque contemporaine, des massacres contre eux-mêmes, c'est-à-dire des "crimes contre l'humanité" ? Qui est "bête", voire … "bestial" ? L'animal ou l'homme ?

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