Chaque lundi matin depuis un an, Laura, infirmière, passe une demi-heure d’analyse chez Paul. Ce lundi, elle lui a avoué qu’elle voulait coucher avec lui. Mardi matin, Paul accueille pour la première fois Alex, pilote de guerre arrogant, macho et perfectionniste, qui a bombardé sur ordre une école en Irak. Le lendemain, c’est au tour de Sophie, jeune gymnaste qui s’est brisée les deux bras dans un accident involontaire. Ou volontaire ? Viennent ensuite Jake et Amy, la trentaine, couple qui se déchire autour d’une grossesse. C’est le jeudi. Enfin, le vendredi soir, un peu sonné, Paul passe sur le divan de Gina, son ancien mentor. Cette petite musique se répète chaque semaine, durant neuf semaines. C’est In Treatment, la dernière série de HBO, produite par Mark Wahlberg (déjà producteur d’Entourage pour la chaîne) et remake de BeTipul, série israélienne à succès.
Chaque épisode (25 minutes) correspond à une séance d’analyse, toujours avec les mêmes personnages et toujours dans le même ordre. On pourrait donc imaginer regarder uniquement les épisodes de son personnage préféré (ce qui rappellerait le théâtre de mime de Voyeur, projet lancé l’été dernier par HBO, où l’on observait, sans son, différentes histoires se dérouler sur plusieurs jours ou semaines). Mais ce serait rater l’histoire globale. Qui, honnêtement, tient un peu du soap, avec des mariages qui battent de l’aile dans tous les sens (y compris, et il fallait s’en douter, celui de Paul).
Malgré, ou à cause de, ça, In Treatment est une série fascinante à regarder. On est souvent plus proche du théâtre, avec une quasi unité de lieu (les quatre premiers jours se déroulent dans la maison de Paul, où se trouve son cabinet, et le vendredi se passe chez Gina) et des épisodes où l’on dépasse rarement deux, maximum trois, acteurs. En cette année de grève, In Treatment n’a pas dû coûter bien cher à HBO. Pourtant, on ne s’ennuie jamais. Il y a de longues discussions, des silences encore plus longs et le visage hypnotique de Gabriel Byrne, excellent en psychanalyste fatigué. Et il y a les patients, ceux qui veulent arrêter, ceux qui viennent (croient-ils, les petits rigolos) pour « un avis » et pas une analyse, et Laura, celle qui est en plein « transfert érotique » avec son analyste. La bonne idée de la série, celle qui empêche l’histoire de tomber dans la routine, c’est la séance du vendredi, où Paul joue à l’analysé face à Gina. Il raconte ses problèmes avec ses patients, sa vie de couple et revient sur ses propres problèmes passés avec Gina.
L’autre point fort d’In Treatment, c’est d’assumer complètement son époque. Contrairement à la plupart des séries contemporaines qui multiplient les gadgets et placements produits pour bien montrer au public qu’elles se déroulent dans le monde d’aujourd’hui, In Treatment pourrait, par son propos, être intemporelle. Et pourtant, la série ne l’est pas, elle donne l’impression de se situer en direct, au moment de sa diffusion (entre fin janvier et fin mars aux Etats-Unis). Tout simplement parce que les créateurs sont malins. Alex, le pilote de bombardier, revient d’Irak, et souhaite y retourner. Sophie, la gymnaste, se préparait pour les Jeux Olympiques avant son accident. On n’est pas exactement dans l’actualité, mais on est clairement dans les Etats-Unis de 2008. Cet ancrage discret dans le présent, qu’on ne remarque pas forcément tout de suite tant il est évident, renforce encore le réalisme et le potentiel addictif de la série. Et on continue de regarder.