Le microcèbe mignon - c'est son nom - est l'un des plus petits lémuriens au monde. Il pèse moins de 70 grammes, poils compris ! Et pourtant quel hyperactif sexuel. Notamment la femelle. Au point de fasciner les scientifiques qui cherchent en elle, peut-être, une explication du comportement sexuel chez nous, les humains. Selon de récentes observations, la "mignonne" est capable, durant la seule nuit de l'année où elle est féconde, d'enchaîner les partenaires à un rythme démentiel. Les chercheurs ont observé jusqu'à une centaine de tentatives de copulation par heure ! Même si seulement quelques-unes de ces tentatives sont couronnées de succès, cette intense activité empêche la femelle de se restaurer. Or c'est à cela que sert la nuit chez cette espèce nocturne. Faut-il donc la croire victime d'un harcèlement sexuel ? D'autant que d'autres parviennent à repousser leurs prétendants pour n'accepter l'accouplement qu'avec un seul.
Avant de parler d'agression sexuelle ou même de viol, il est bon de rappeler quelques notions fondamentales en matière de sexualité animale. D'une manière générale, les mâles, qui fabriquent des millions de spermatozoïdes et qui n'ont pas souvent les chérubins à élever, ont intérêt à inséminer le maximum de femelles, afin de donner naissance à de nombreux enfants porteurs de leurs gènes. D'où une certaine tendance au batifolage. En revanche, la femelle, qui ne peut donner naissance qu'à un nombre limité de rejetons, doit être extrêmement regardante en matière de partenaire. Pas question de laisser fertiliser ses oeufs par un amant au sperme de second choix. Elle prend donc soin de choisir, en général, le dominant. En deux mots : le mâle fait dans l'abattage, tandis que la femelle sélectionne.
Speed-dating
Or, avec la microcèbe mignon, ce n'est pas tout à fait ce qu'on observe puisque certaines acceptent de se disperser avec un grand nombre de partenaires. Une explication immédiate à ce curieux comportement pourrait tenir à la petite taille de la femelle qui ne lui permettrait souvent pas de résister à l'insistance des mâles. La Française Élise Huchard de l'UMR Mécanismes adaptatifs et évolution (CNRS-MNHN) a voulu connaître le fin mot de l'histoire. Aussi a-t-elle organisé une sorte de speed-dating, mêlant trois mâles à deux catégories de femelles : les hypergavées de nourriture aussi grosses que les mâles et les sous-alimentées chétives. Le résultat a été pour le moins inattendu, car ce sont les plus grosses femelles qui ont accepté le plus grand nombre d'hommages. La multiplication des coïts ne relève donc pas d'un harcèlement, mais bien d'un choix de ces dames.
Reste à comprendre pourquoi. Et, là, il faut se référer à des études précédentes montrant clairement que la femelle microcèbe mignon est capable de trier le sperme qu'elle a emmagasiné ! C'est, du reste, un phénomène qui a pu être observé chez plusieurs espèces de primates, d'oiseaux et d'insectes et qui a été mis en évidence chez les microcèbes mignons dans leur milieu naturel. Des analyses génétiques ont montré que les femelles utilisent de préférence, pour la fécondation de leurs oeufs, le sperme des mâles dont certains gènes sont différents des leurs. De quelle façon opère cette sélection intragénitale ? Les scientifiques ne possèdent pas encore la réponse à cette question. Quant à l'avantage de pratiquer une sélection cachée aux yeux des mâles, il est différent suivant les espèces. Par exemple, chez le chimpanzé, si la femelle se donne souvent à tous les mâles de la tribu, c'est pour que chacun d'eux, par la suite, prenne soin de celui qu'il croit être son enfant. Mais la rusée aura pris soin de n'accorder ses faveurs, lorsqu'elle est effectivement fécondable, qu'au mâle dominant.
Chez le microcèbe, l'avantage pour la femelle de trier le sperme de ses amants n'est pas encore clair. Voilà qui laisse à Élise Huchard de quoi s'occuper pour les années à venir.