«Personne ne m'avait dit que ce serait violet», ni que les bouts de chair dans l'entrée étaient les restes de l'hymen, ni qu'une nymphe pouvait ressembler à une langue de chien… Beaucoup de femmes se croient anormales lorsqu'elles regardent leur sexe. Parfois même monstrueuses: «Mon clitoris a la forme d'un casque nazi!».
Il y a un poème en Alabama qui dit:
«Le minou est une chose étrange
Tout rose et couvert de poils
Il ressemble à la bouche d’un prêtre méthodiste
Et pue comme le cul d’un ours».
«Pauvre petit minou, tant adoré, tant haï, tant craint», s’exclame Dian Hanson, dans son introduction au Big Book of Pussy (Le grand livre du minou, aux éditions Taschen), un livre d’art rempli de femmes qui écartent les cuisses ou se penchent exagérément en exhibant des sexes aux formes aussi diverses que leurs… charmes. Pauvre petit minou, en effet, que les femmes aiment si rarement et qu’elles répugnent à laisser voir de près. Avec ses nymphes qui pendouillent, ses plis luisants de mollusque, ses béances molles et ses glaires filantes, le sexe féminin plonge le plus souvent ses propriétaires dans la consternation. «Mon sexe n’est pas joli-joli», disent-elles. Opinion partagée, semble-t-il, par une énorme majorité de femmes qui considèrent leur petit compagnon comme une tare.
Le mot qui sert à le désigner depuis au moins le Moyen-âge (“conin”) est devenu l’insulte la plus couramment utilisée en France, c’est tout dire: «espèce de con!». Même les mots qui se veulent flatteurs le cantonnent au statut d’accessoire, de sucrerie ou de jouet d’enfant: "chatte", "foufoune", "bijou", "zézette", "pot à miel", "moumoune", "berlingot". On nage dans l’infantilisme. Quant aux mots négatifs, ils donnent presque envie de vomir: "chagatte", "touffe", "cramouille", "moule", "tarte aux poils", "garage à bite"…
Les seuls mots acceptables restent “abricot” et “fente”, encore qu’ils supposent un rasage intégral, excluant d’office les sexes de femme adultes et naturelles de l’univers peau-lissé du bon goût. Quant au mot “vulve”, un peu technique, il a un arrière-goût de maladie. Il ne reste donc plus (pour trouver l’équivalent des termes si laudateurs qui désignent le pénis), qu’à chercher du côté de l’Inde ou de l’Asie des épithètes réconfortants: "yoni", "porte dorée", "temple sacré", "fontaine de vie"… Mais on se sent si ridicule à les utiliser que les mots "chat" ou "minou" —au masculin, s’il vous plait— restent quand même les moins difficiles à prononcer.
Il est donc question de “chat” dans The Big Book of Pussy. Ou plutôt de la raison pour laquelle ce chat-là est une telle source de désamour pour celles qui en sont, pourtant, les heureuses bénéficiaires: elles ne songent qu’à le réduire au strict minimum. Coupant les poils d’abord, puis les petites nymphes, certaines vont jusqu’à subir des opérations chirurgicales de vulve afin de réduire leur sexe aux proportions congrues d’un petit sillon rose… Cette cure d’amaigrissement porte un nom aux Etats-Unis: les plasticiens l’appellent «look de poupée Barbie». «Les hommes ne sont que très rarement à l’origine de telles absurdités, affirme Dian Hanson. Quand, en 1999, la star du porno Houston s’est fait réduire des petites lèvres proéminentes et a mis les bouts de chair ôtés en vente sur internet, ses fans ont été horrifiés. Beaucoup d’hommes associent une chatte voluptueuses à la passion, de la même manière qu’un gros pénis évoque l’étalon. Ils ont bien du mal à comprendre que l’angoisse existentielle de la femme fonctionne à rebours de la leur et qu’elle a au contraire besoin de recréer un pubis soigné, lisse et prépubère pour avoir confiance en elle sexuellement.» Heureusement que par réaction certaines femmes se font gonfler le sexe, en utilisant des pompes à clitoris ou des pompes à vulve qui gorgent leurs chairs de sang et leur donnent l’aspect turgescent de fruits trop mûrs…
En 2010, dans son numéro juin-juillet, le magazine Bust s’était amusé à donner la parole aux lectrices dans un dossier consacré à la mode de la chirurgie labiale… A la question, «Avez-vous déjà regardé votre sexe dans un miroir?», 95% répondaient «Oui». «Qu’avez-vous éprouvé en le voyant?». 44%: «Un peu de surprise, un peu de dégoût», 24%: «Ça m’a laissé indifférente, c’est pas la mer à boire», 23%: «Le corps humain vous réserve plein de suprises», 4%: «De la révulsion. On dirait un alien». Les 5% restant étaient constitué par les femmes ne s’étant jamais examinées. Prenant l’initiative d’ajouter un commentaire original sur leur “découverte”, certaines lectrices avaient ajouté des réflexions: «Ohh, comme c’est mignon ! Personne ne m’avait dit que ce serait violet». «Ça ressemblait à l’intérieur de ma bouche, mais sans les dents». «J’ai trouvé que ça ressemblait à une photo de Mick Jagger».
A la question «Pourriez-vous reconnaître votre sexe si vous le croisiez dans la rue?», certaines lectrices avaient répondu «aucune grande lèvre n’est comparable à ma MONSTRUEUSE grande lèvre gauche». «Une chose est sûre, c’est que je reconnais mon sexe au toucher». «Je connais si bien mon sexe que je pourrais le reconnaître à l’odeur». «Oh mon dieu, qu’est-ce que mon sexe a encore fait! Je lui avais pourtant dit de ne jamais sortir de la maison!».
A la question «Pensez-vous que votre vulve est laide ou bizarre?», 60% des lectrices ont répondu «Oui», certaines ajoutant: «Pas plus bizarre que mes doigts de pied» ou «C’est comme les jours où l’on se réveille décoiffée. Il y a les jours où l’on se réveille avec la vulve en désordre.»
Parmi les réponses les plus imagées à ce drôle de questionnaire, on trouve aussi: «Mon sexe ressemble à une anémone que quelqu’un aurait boxé». «Mon sexe ressemble à un papillon… au moment où il sort du cocon». On ne fait pas dans la dentelle quand on parle de son minou. Raison pour laquelle, peut-être, certaines femmes sont prêtes à payer plus de 5000 dollars pour un relooking intime. «Au lieu d’aider les femmes à gérer leur malaise en leur apprenant ce que c’est que le corps humain, notre culture propose la chirurgie correctrice comme seule solution», s’offusque Johanna Gohmann, la journaliste de Bust qui compare le scalpel médical à un couteau de boucher. «On se demande pourquoi les femmes qui s’indignent des pratiques barbares en Afrique et militent contre l’excision sont aussi celles qui seraient prêtes à choisir la nymphoplastie».