UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
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Je suis un corps
Ai-je un corps ou le suis-je ? Dire que j’ai un corps, c’est le posséder en l’objectivant. Cela revient à distinguer ledit objet corporel et le sujet, d’un côté la substance pensante, comme le proposait Descartes, et de l’autre la substance étendue. Je pense donc je suis, signifie que le corps n’est pas un impératif ontologique. Il est vrai que l’on peut prendre de la distance vis-à-vis du corps, pas avec la pensée. Selon la logique cartésienne, penser, donc être, nécessite de la pensée ; sans elle point de conscience, ou plutôt se confondent-elles. Ou encore pourrions-nous dire que la conscience peut se distancer de tout jusqu’à un point ultime, irréductible, indépassable, c’est-à-dire elle-même. Pour autant, la représentation du corps qui est le nôtre est différente de toute visée vers n’importe quel objet. L’imaginaire y est beaucoup plus fort. On phantasme bien plus sur son corps qu’on ne le fait à propos d’une chose, parce qu’il nous concerne absolument, qu’il est permanent et que notre point d’observation le concernant se trouve limité. Une chose en effet est observable sous tous les angles, nullement pour ce qui est de notre enveloppe corporelle. Même le miroir n’y suffit pas, la caméra non plus. Le corps n’est donc pas comparable à un objet, n’en déplaise à Descartes. Il est au-delà de toute chose en permettant celle-ci, comme l’explique Merleau-Ponty dans Phénoménologie de la perception : « Ce qui l’empêche d’être jamais un objet, d’être jamais complètement constitué, c’est qu’il [le corps] est ce par quoi il peut y avoir des objets. Il n’est ni tangible, ni visible dans la mesure où il est ce qui voit et ce qui touche. Le corps n’est donc pas l’un quelconque des objets extérieurs qui offrirait cette particularité d’être toujours là. S’il est permanent, c’est d’une permanence absolue qui sert de fond à la permanence relative des objets à éclipses, des véritables objets. » Le corps est ainsi ce fond indispensable à la pensée. Le corps n’est pas détachable du sujet, mais le sujet ne l’est pas non plus vis-à-vis du corps. Pour penser, il me faut d’ailleurs de quoi penser, y compris si c’est la pensée qui se pense elle-même. L’intellect pur n’existe pas ; l’étendue le concerne ; l’espace et le temps l’encadrent. Il faut être immergé dans le monde pour se représenter soi, autrui, le vivant, les choses. Cette immersion, seul le corps l’autorise. Seul le corps permet également la reconnaissance de soi par autrui, comme de reconnaître l’autre par soi. Le corps et son mouvement sont la manifestation matérielle d’une subjectivité, donc d’un être pensant, et non un simple agencement de matière animé. Le sujet n’est pas qu’une pensée ; il est aussi dans chaque partie du corps, sur chaque grain de peau.