UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
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Les gnostiques licencieux
Onfray, dans l'introduction au christianisme hédoniste, constatait qu'on ignore presque tout du gnosticisme licencieux. Face aux persécutions de l'Eglise, nul n'est censé connaître ce courant et ses partisans. Ce qu'on a déjà appris de certains Pères de l'Eglise et de certains philosophes appointés par le christianisme c'est seulement que ces penseurs sont des « hérétiques », leurs thèses sont fautives et qu'il convient de ne pas leur prêter attention. Mais qu'est ce qui fait de ces penseurs des hérétiques ? Et en quoi ils se démarquent des officiels du christianisme ou des amis du platonisme ?

Selon Onfray les gnostiques licencieux, partent tout d'abord des principes généraux du platonisme et du christianisme pour s'en séparer par la suite. Aux platoniciens, ils empruntent les idées suivantes : Avant la chute, l'âme connaissait la félicité. Elle vivait dans un monde immatériel, incorporel et éternel. Après la chute, elle s'enferme dans le corps, le matériel et le temps. Tous les gnostiques licencieux établissent que le salut passe par la libération de l'âme du corps. Tous enseignent le principe de la métempsychose platonicienne selon lequel les amers s'incarnent dans d'autres corps - humain ou animal- jusqu'à la libération totale en s'unissant au principe premier dépourvu de toute matérialité. Tous affirment que leur vie post mortem dépend de leur vie ici-bas. De ce fait, le matérialisme ou l'atomisme des antiques ne peut leur être reproché. Aux Pères de l'Eglise, ils empruntent l'idée suivante : Le mal règne dans le monde et il convient de l'éliminer. Cette idée est religieuse par excellence car la religion rappelle toujours que le monde ici-bas est pernicieux et qu'il n'est qu'un passage pour vivre dans un monde plein de bonheur et de béatitude. Alors, pouvons-nous dire que les gnostiques licencieux sont des platoniciens et chrétiens orthodoxes ?

Non, car malgré ces ressemblances entre ces divers courants de pensée, il existe une différence et elle est de taille. Celle-ci permet de classer les platoniciens et les chrétiens orthodoxes dans la tradition de l'idéal ascétique et les gnostiques licencieux dans celle de l'idéal hédoniste. Cette différence réside dans le rapport au corps. Les gnostiques licencieux pensent que la libido est par delà le bien et le mal. Le corps ne peut-être un ennemi, mais il importe de composer avec lui pour des raisons qu'on va les dire par la suite. A ce titre, les gnostiques licencieux sont considérés comme des platoniciens et des chrétiens hétérodoxes. Mieux, ils sont hétérodoxes parce que hédonistes.

Une question se fait jour à ce propos : Comment travailler simultanément à la libération de l'âme et à la satisfaction du corps ? Peut-on professer en même temps une chose et son contraire ?

A l'évidence, les gnostiques licencieux, loin de toute contradiction, se servent du corps pour se libérer du corps. Le corps est dès lors un instrument de libération. Comment ? Seule la consommation, l'épuisement et la dépense du corps permettent la négation du corps et la libération de l'âme. On ne peut nier la matière qu'après l'avoir consommée complètement. Et le salut s'obtient en épuisant la négativité. Pas besoin donc du jeûne, de privation, de mortifications et de continence sexuelle pour s'unir au principe divin. De même, ces gnostiques qui voient, à l'instar des chrétiens, le mal partout dans le monde, trouvent pour autant que l'origine du mal n'est pas la faute d'Adam - en l'occurrence d'Eve - mais d'un certain mauvais démiurge. Dès lors, l'homme qui est victime ne peut assumer une faute qu'il n'a pas commise. Il est alors totalement libre et peut user de son corps comme il veut. L'homme use de ce « cadeau de Dieu » qu'est le corps pour braver le mauvais démiurge. Par contre, l'homme chrétien ne peut être libre parce qu'il est responsable. Il doit assumer sa faute et infliger la peine à son corps.

Onfray voit que les idées gnostiques, qui exaltent la vie et le corps contre la mort et la privation, déclenchent « la foudre chrétienne ». C'est ainsi, suite à la demande du Constantin, des conciles et de l'Eglise au pouvoir, on interdit aux copistes payés par les monastères de transcrire les textes des gnostiques. Les oeuvres complètes des gnostiques - pas même les fragments - ne disposent d'aucune édition. On détruit ou on incendie les bibliothèques. Dans cette haine généralisée, les auteurs - tout comme leurs livres - ne peuvent être sauvés. Les gnostiques licencieux, contemporains des chrétiens, et qui attirent un bon nombre d'auditeurs sont chassés du terrain. Certains sont livrés à une inquisition, d'autres à des tortures ou passages à tabac. Le résultat attendu : « les ralliements au christianisme se font en masse (...) Dans ces conditions, la pensée gnostique s'efface. » Mais dans ce même paragraphe Onfray ajoute qu'elle « ne disparaît pas. Donc la tradition hédoniste perdure (...) la gnose passe des villes à la campagne, puis des déserts orientaux aux climats européens. Les Frères et Soeurs du Libre-Esprit reprennent le flambeau. »