Un meurtre récent de mineur par un mineur bouleverse encore une fois les procédures existantes de la Justice des enfants pour conjurer l’émotion de l’opinion. Une idée sort du chapeau législatif : les CEF.
Fait-divers oblige, le gouvernement annonçait fin novembre de nouvelles mesures de lutte contre la récidive et d’évaluation de la dangerosité dans son projet de loi « de programmation relatif à l’exécution des peines ». Dans ce texte, sont prévues les créations de vingt centres éducatifs fermés (CEF) – ils sont actuellement au nombre de 44 – et de 90 emplois d’éducateurs, dont 60 dès le budget 2012. Ainsi, les mineurs ayant avoué des « crimes sexuels particulièrement graves » y seraient placés dans l’attente de leur jugement (alors que les majeurs ne sont pas systématiquement placés en détention provisoire dès que suspectés de viol). Une circulaire en ce sens était adressée aux procureurs généraux.
En outre, l’extension du dispositif de suivi pédopsychiatrie, qui existe déjà dans 13 CEF, sera étendu à 25 centres supplémentaires (soit environ 250 places). Enfin, trois nouveaux centres nationaux d’évaluation (CNE) seront installés qui, avec les deux existants, sont censés mesurer la dangerosité des personnes condamnées à une longue peine. Le nombre global de places de prison, lui, doit être porté à 80 000 à l’horizon 2017.
Au 1er novembre dernier, 690 mineurs étaient incarcérés dans les quartiers mineurs (au nombre de 59) de centres de détention, en maisons d’arrêt ou en établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), le viol représentant la première cause de condamnation. En janvier, le chef de l’État avait déjà missionné un député, Yvan Lachaud, afin d’identifier de nouvelles réponses pour remodeler (encore !) le dispositif actuel de la Justice des mineurs, notamment les centres fermés. Il s’agissait alors « d’étendre les compétences des centres éducatifs fermés » au-delà des mineurs multirécidivistes pour lesquels ils avaient été conçus.
Manque de formation des éducateurs et recours abusif à la contrainte
Institués par la loi Perben en 2002, les CEF, d’une capacité de douze places, accueillent actuellement des mineurs (13 – 18 ans) délinquants multirécidivistes encourant une peine de cinq ans d’emprisonnement. Perben, en 2002, avait annoncé un CEF par département : on en est loin (la Seine-Saint-Denis, département emblématique, n’en a pas)… Leur personnel est en principe composé d’éducateurs, d’enseignants, d’infirmiers, de psychologues. Les jeunes y suivent des cours et des activités socio-éducatives. Mais la convention nationale des associations de protection de l’enfance (CNAPE) rappelait récemment qu’ils n’étaient qu’à peine remplis à 75 % et surtout que la suppression de trois équivalents temps plein (ETP) sur 27 par structure avait été annoncée par le ministère de la Justice… Les CEF ne sont pas exempts de toute critique : malgré un coût particulièrement élevé (625 ¤ par jour et par jeune), le taux de réitération est important (au moins 40 % dans les estimations les plus favorables). La protection judiciaire de la jeunesse dénonce aussi la transformation de nombreux foyers éducatifs, outil pourtant essentiel, en CEF. Dans son rapport, le contrôleur général des prisons Jean-Marie Delarue avait déploré l’an dernier le manque de formation des éducateurs et un recours abusif aux moyens de contrainte physique.
« Rendre obligatoire le placement en centre éducatif fermé relève de l’incantation, et même de la manipulation », estime le magistrat Jean-Pierre Rosenczveig sur son blog, pointant la contradiction entre la dangerosité de certains jeunes et le côté (relativement) ouvert d’un CEF, et rappelant qu’« avant d’être délinquant, un jeune est d’abord en danger ». La semaine dernière, l’UMP réclamait un code pénal spécial applicable dès l’âge de 12 ans. Le train de la surenchère démagogique s’emballe encore un peu plus.