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Pourquoi résiste-t-on (parfois) à la tentation ?
L’hippocampe, siège cérébral de la mémoire épisodique, permet aussi d’imaginer des événements futurs. Cette fonction joue un rôle clé lorsqu'on choisit une récompense à long terme au détriment d’une satisfaction immédiate.

Ce fraisier dans la vitrine du pâtissier vous fait de l’½il… Ou bien ce petit verre en terrasse au soleil… Ou encore cette cigarette à la pause café… Pourquoi résister ? Peut-être parce que votre santé ou votre bien-être risquent d’en pâtir à long terme. À long terme : là est la difficulté. Pourquoi certaines personnes résistent aux plaisirs immédiats – pour garder la ligne par exemple –, alors que d’autres cèdent souvent – au détriment de leur santé ? L’équipe de Mathias Pessiglione, de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière et de l’Université Pierre et Marie Curie à Paris, a montré que l’hippocampe, siège cérébral de la mémoire épisodique, joue un rôle central dans la prise de décision, notamment parce qu’il permet aussi d’imaginer des événements futurs.

Les neuroéconomistes s’intéressent aux choix inter-temporels depuis des décennies : comment choisir entre des récompenses modestes, mais immédiates, et des bénéfices importants, mais lointains ? Jusqu’à présent, on étudiait ces décisions en proposant à des volontaires de choisir entre des options combinant un enjeu monétaire et un délai, par exemple gagner 10 euros immédiatement ou 50 euros dans un mois. Ces études, réalisées en imagerie cérébrale fonctionnelle, ont montré que les participants qui savent patienter présentent une activité plus importante de la région dorsolatérale du cortex préfrontal, une aire impliquée dans la maîtrise du comportement.

Mais ce ne serait pas tout. Car, selon les neuroscientifiques français, « on peut percevoir une récompense immédiate avec les sens – on goûte au fraisier ou au verre de vin –, alors que l’on ne peut qu’imaginer les récompenses futures. » Pour déterminer si l’imaginaire entre en jeu quand on doit résister à la tentation, les neuroscientifiques ont proposé à une vingtaine de volontaires des choix inter-temporels faisant intervenir des options concrètes, tels des aliments ou des activités culturelles ou sportives. Ces options étaient présentées soit sous forme de photographies (pour les récompenses visibles immédiatement), soit sous forme de textes (pour les récompenses futures que l’on doit alors imaginer). Pendant que leur activité cérébrale était enregistrée en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, les participants devaient répondre à des questions telles que : « Préférez-vous un paquet de chips maintenant ou un dîner sur un bateau parisien dans un mois ? » ; « Préférez-vous une heure de bowling gratuit maintenant ou une place pour la finale de Roland Garros en juin prochain ? » ; ou encore « Préférez-vous une visite à la Ménagerie du Jardin des plantes maintenant ou une place de concert dans un club de jazz parisien dans un mois ? ».

Par rapport aux individus optant pour la récompense immédiate et directement observable, les personnes qui choisissaient les récompenses futures et imaginées présentaient, au moment où elles se décidaient, une activité supérieure de leur hippocampe, une région impliquée dans la mémorisation des épisodes passés. Cette partie du cerveau est aussi une des premières atteintes – elle s’atrophie – chez les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer. Or de tels patients soumis à la même expérience ont tendance à préférer la récompense immédiate, c’est-à-dire la photographie, beaucoup plus souvent que des sujets sains. Ce comportement pourrait être dû à leur incapacité à imaginer les récompenses proposées dans le futur, en raison de la dégradation de leur hippocampe.

L’effort d’imagination pour se représenter une récompense ultérieure pourrait donc expliquer pourquoi on cède à la tentation, plutôt que de réfléchir sur le long terme.

Source: http://www.cerveauetpsycho.fr/...