UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
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La fabuleuse histoire de...
Connaissez-vous l’origine du mot « fellation » ? Etes-vous capable d’en donner 40 synonymes ? Savez-vous ce qu’est un irrumateur ? Si vous voulez des réponses à ces questions, on vous conseille vivement la lecture d’un livre léger et amusant sur le sujet, « La Fabuleuse Histoire de la fellation ».

Signé Thierry Leguay, il a paru ce jeudi aux éditions de la Musardine. C’est en fait une réédition enrichie d’un autre ouvrage, « Histoire raisonnée de la fellation », aujourd’hui épuisé.


Son auteur, prof de lettres, raconte avoir écrit (sous pseudo) pas mal de « livres érotiques sans orthographe », comme les appelait Rimbaud, ainsi que des romans de gare.


Pourquoi vous être intéressé à la fellation ?

Tout est parti d’une réaction de Bernard Pivot, en décembre 1998 dans le Journal du dimanche, où il y tenait une chronique. Il s’étonnait qu’il n y ait jamais eu un livre de fait sur le sujet. Il disait :

« Il est navrant qu’aucun éditeur n’ait songé à mettre sur le marché un livre complet sur la fellation, son histoire, ses techniques, ses variantes, ses perversions, sa philosophie, sa sociologie... »

Et de fait, c’est le cas. C’est assez surprenant, d’autant qu’il existe par ailleurs bien plus d’ouvrages consacrés à la sodomie. Même depuis la sortie de la première édition de mon livre, en 1998, peu de choses ont été publiées sur le sujet, hormis des guides.


Qu’est ce qu’on voit sur la couverture de votre livre ?

C’est Isis qui prodigue une fellation à Osiris, son mari. Il a été tué et découpé par son frère, Seth, le dieu des ténèbres. Isis a récupéré tous les membres d’Osiris, sauf son pénis, qui demeure introuvable. Alors Anubis, qu’on voit derrière lui, avec sa tête de loup, sur cette illustration, lui en procure un nouveau. Et Isis insuffle la vie à Osiris en lui faisant une fellation.

Avec ce mythe, on est un peu au départ de cette histoire de la fellation. Parce qu’avant les Egyptiens, on ne retrouve pas grand chose... Et après, ce n’est pas forcément mieux : du Moyen Age jusqu’au XIXe siècle, il n y a pratiquement rien d’écrit sur ce sujet.

On a très peu de témoignages au XVIIIe siècle, même si bien sûr il y a Sade. Même chose au XIXe,alors qu’à cette époque paraissent des textes comme « Le Sonnet du trou du cul », écrit par Verlaine...


Est-ce que vous avez des hypothèses pour expliquer cette absence ?

C’est difficile à savoir, mais c’est sans doute qu’elle était peu pratiquée... L’Eglise, à l’époque classique, a quand même une certaine influence.

J’avais aussi rencontré une historienne qui disait qu’en dehors des changement de m½urs et de tabous, ce qui avait pu favoriser le développement de la fellation, c’était l’évolution de l’hygiène.


Et chez les Romains, que trouve-t-on ?

Pour eux, la fellation est pensée comme une pratique engageant un actif et un passif. Celui qui suce est passif, et c’est une femme ou un esclave...


Thierry Eloi, historien et spécialiste du sexe dans le monde latin dit toujours qu’une des pires insultes à Rome, c’est : « Tu suces». Celui qui « suce » a la bouche pleine, ne peut plus parler et honorer sa fonction première de citoyen, « parler de politique »...

Oui, il y a un tabou qui pèse sur l’usage de la bouche pour recevoir un sexe, et il a traversé les âges.

Dans beaucoup de régions d’Afrique, la fellation a été un tabou, parce qu’on assimilait la bouche à un organe noble.

Aujourd’hui encore, cette perception de la bouche existe. Une prostituée n’embrasse pas son client.

La fellation peut aussi être une pure domination. Dans « Histoire d’O », la bouche de l’héroïne ne sert qu’à ça. Là, c’est vraiment le côté sombre de la fellation.


Vous dites que la fellation est une pratique ambivalente. Pourquoi ?

On peut considérer que celui qui la reçoit est actif ou au contraire qu’il est passif. De la même manière, celui ou celle qui la prodigue peut être considéré comme actif ou passif.

Ce peut être un acte religieux, à genoux, et en même temps, il y a cette image de souillure. Dans le cinéma X, c’est un préliminaire ou c’est une pratique entière. Dans la fellation, on donne et on se donne.


Vous parlez de tous ces synonymes qu’on ne connaît pas : « se laver les dents », « scalper le Mohican »...

Il y a deux auteurs que j’adore, Rimbaud et Frédéric Dard, dit San Antonio. Chez ce dernier, on trouve l’expression « voluptiser l’au sud de la Loire », et ça c’est mon préféré.


Vous racontez qu’on l’a aussi appelée « onanisme buccal ». Une comparaison intéressante, parce qu’on a l’impression que la masturbation, c’est le grand interdit de l’Eglise, pas tellement la fellation.

La fellation, comme la sodomie, sont des pêchés mortels, sans rédemption. Dans les périodes où l’Eglise est influente, toutes ces pratiques (l’onanisme inclus) étaient mises dans le même sac.

Pendant des siècles, l’Eglise a critiqué toute ce qui ne visait pas à la procréation et ce n’est qu’à partir du XXe siècle qu’elle a accepté que le sexe pouvait être un vecteur de plaisir.


Aujourd’hui, après ces siècles de silence, on parle au contraire beaucoup de fellation. Il y a deux ans, en la décrivant comme « le ciment du couple », le magazine Elle a réussi à agacer beaucoup de monde et de féministes.

Oui, notamment avec l’avènement des blogs, on parle beaucoup de sexe, souvent pour dire des bêtises.

La fellation est érigée en norme, mais en réalité, contrairement à ce qu’on croit, tout le monde ne la pratique pas...


Vous citez beaucoup de textes, de poèmes, de chansons. Quel est celui que vous préférez ?

Je dirais « Annie aime les sucettes », de Gainsbourg.


Ah bon ? Mais c’est peut être précisément le texte que tout le monde connaît !

Oui, mais j’aime son décalage. C’était en 1966, ce n’était pas provoquant, plutôt subtil. Quand France Gall chante ça, elle est jeune et elle ne s’aperçoit de rien. On est dans le double sens total.

« Lorsque le sucre d’orge,
Parfumé à l’anis
Coule dans la gorge d’Annie
Elle est au paradis. »