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Comment la France a encadré strictement le port d'armes
Après une énième tuerie dans un établissement scolaire aux Etats-Unis, une grande manifestation est organisée à travers le pays par des lycéens pour demander un durcissement du contrôle des armes à feu. Sur ce sujet, la France a historiquement été très sévère en la matière. Explications.

La question de la législation sur la détention et le port d'armes – il faut bien distinguer les deux – est très différente entre la France et les Etats-Unis. Les deux pays n'ont pas la même histoire. Tandis que la culture des armes est quasi inexistante en France en dehors de quelques cercles (chasseurs, tireurs sportifs), c'est tout l'inverse outre-Atlantique.

Les Etats-Unis se sont construits sur un principe de liberté. On cite souvent le premier amendement de la Constitution américaine qui garantit une liberté d'expression très large. On sait moins ce que stipule le deuxième amendement: "Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé."

L'amendement date de 1791. A l'époque il se justifie par la crainte de voir un gouvernement tyrannique prendre le pouvoir en désarmant le peuple. Historiquement, le fédéralisme américain a toujours rendu les Etats suspicieux envers le pouvoir central.


La paix du Roi

En France, au contraire, dès le Moyen-Age puis sous l'ancien régime, les monarques ont cherché à contrôler la circulation des armes. "À partir du XIIe siècle, la royauté, sous l’impulsion décisive de Louis VII et de ses successeurs, parvient progressivement à prendre en main la paix de son royaume, écrit Vincent Martin, professeur des universités, dans : «Le pouvoir royal face au phénomène des tournois (milieu XIIIe siècle-milieu XIVe siècle)».

Selon les travaux du chercheur, c'est "en particulier à partir du règne de Louis IX : grâce à leurs statuts, que les rois en viennent à réglementer ou interdire les pratiques suscitant les troubles les plus graves, comme le port d’armes, la guerre ou le duel judiciaire."

Instaurer la paix du Roi et asseoir les institutions royales, c'est le but d'une ordonnance de 1245 de Louis IX pour prohiber le port d'armes afin d'éviter le brigandage, principal trouble public.

Mais dans un contexte de guerres civiles sur fond de religion, les armes restent très présentes dans la société française.


Des pro-armes français nostalgiques de la Révolution

Le 14 juillet 1789, des milliers de Parisiens s'emparent de 40 000 fusils aux Invalides avant de se diriger vers la Bastille pour mettre la main sur la poudre et les munitions.

C'est sur cet épisode de l'histoire de France que les militants d'un assouplissement de l'interdiction des armes fondent leur rhétorique. Ils revendiquent un ancrage profondément républicain. L'union française des amateurs d'armes (UFA) explique ainsi, faisant le parallèle avec les Etats-Unis, que le port d'une arme par les citoyens est un droit naturel à partir de la Révolution. Un droit seul à même d'éviter le retour à l'ancien régime, celui des despotes. L'UFA cite de nombreux textes de l'époque et en conclut que "la détention des armes est une des caractéristiques de la citoyenneté dans les états libres".

L'avocat Laurent Franck Lienard, cité par Libération, confirme qu'en France, le port d'arme n'est devenu illégal qu'à partir de 1939. Tout en expliquant que la société actuelle est bien moins criminogène qu'au début du 19e siècle.


1939 : l'interdiction du port d'armes

A la veille de la Seconde guerre mondiale, le gouvernement français encadre sévèrement le port d'arme, à l'occasion d'un décret-loi. Ce texte établit la philosophie de la France concernant la détention et le port d'armes. Le principe général est que le port d'armes est interdit, sauf exceptions soumises à autorisation.

Le texte classe également les armes en différentes catégories, pour faire la différence entre les armes de guerres, les armes de poing, ou encore les armes de collection et les armes blanches.

Les exceptions à l'interdiction générale concernent évidemment les services de sécurité, mais aussi, pour certaines catégories d'armes et sous conditions, les tireurs sportifs et les chasseurs. Peut également être autorisé à porter une arme tout particulier qui en fait la demande "lorsqu'à l'occasion de l'exercice de sa profession, l'intégrité physique du demandeur est menacée". Exemple : certains magistrats.

Sous le gouvernement de Vichy, le non respect de cette loi est passible de la peine de mort. Depuis l'après-guerre, le code pénal prévoit une peine d'emprisonnement et une amende.

Ce n'est qu'en 1995 que ce décret-loi de 1939 sera modifié, dans le sens d'un nouveau durcissement. La France transpose aussi des directives européennes sur la question (1991 et 2017) qui durcissent un peu plus la loi. De plus en plus d'armes changent de catégories et sont désormais soumises à autorisations.

Au grand dam des amateurs d'armes qui rêvent du modèle américain, malgré les nombreuses tueries qui ont eu lieu outre-Atlantique.