UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
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La X Card, la guerre des gangs
En ce moment, je me sens un peu comme ce vieil héros dans les films, celui qu’on tire de sa retraite alors qu’il est en train de cultiver son potager, au calme, dans sa campagne reculée. Le genre de mec qui parle, qui se confie, qui râle après ses pieds de tomates parce que, au pire, tout ce qu’elles font, c’est se taire et rougir et que lui, ses pieds, ils se font un peu d’argiles, ces derniers temps. Ca fait plusieurs fois qu’on me demande mon avis sur cette fameuse carte X et généralement, quand on me pose la question, ça commence par un -très- long soupir.

Oui, dude. Je suis un peu fatiguée, blasée. Depuis mon petit potager, j’observe des gens faire la bagarre. Je me sens un peu comme Marguerite de Valois pendant la Saint Barthélémy. J’ouvre la porte de ma chambre, y’a plus de sang que dans un couloir de l’Overlook Hotel. Protestants, catholiques ; pro-x card et anti x card. Lutte fratricide de rolistes.

Ca s’égorge, ça commet des attentats à tout va, ça fait des mini raids idéologiques sur des groupes de discussions à gauche et à droite. Pis, ça y va, niveau insultes. Là, je vais dire un truc qui s’adresse à tout le monde, peu importe ton positionnement : l’insulte, dans un échange, c’est le signe d’un échec. Celui de la communication et de l’écoute, de l’argumentation. J’ajouterai qu’avant d’appuyer sur entrée et d’envoyer ton commentaire, pose toi la question de savoir si ton post va te permettre d’atteindre ton interlocuteur et de contribuer à un échange entre vous ou bien est ce que ton post vise une petite récolte de likes, de foutre le seum à l’autre et de galvaniser ton ego. Alors, on m’a déjà sorti des arguments du genre « oui mais on fait pas la révolution sans lancer du pavé ». J’ai envie de dire : okay, contre des institutions, dans la rue. Là où ça fait sens. Mais pas quand tu parles à un individu ou un petit groupe sur des « rézosocio ». Pas à des gens avec qui tu joues en conv.

C’est pas un secret, je suis prof. Et ça se saurait si pour faire réfléchir mes élèves ou bien débattre avec eux, il suffisait que je leur gueule dessus, que je les traite de racistes, d’homophobe ou que sais-je. Quand tu es agressif avec quelqu’un sans le chercher à le comprendre, tout ce que tu obtiens, c’est du rejet. Ca demande du temps et de nombreuses approches pédagogiques différentes pour parvenir à un résultat. C’est pas avec un post que tu vas changer le monde ou les gens. Vous vous autolikez et vous vous validez entre personnes déjà okay les unes envers les autres. Du coup, c’est comme si vous vous branliez les uns avec les autres, c’est un moment agréable où vous pouvez constater la taille mutuelle de votre répartie. Mais je poserai simplement la question de la bienveillance : vous en faites quoi ? Alors certains seraient capables de me répondre : « nan mais untel, il mérite pas la bienveillance ». Ah bon. Moi, je pars du principe que tout le monde y a le droit car c’est ça être humaniste aussi. J’ai foi, j’ai confiance en l’homme. Oui, comme une miss à un concours de beauté, je suis en train de te dire très mièvrement que je suis pour la paix dans le monde.

Je connais pas Jean Michel derrière son écran, je sais pas qui il est vraiment. Il a peut être dit un truc maladroit, fait des blagues douteuses. Est-ce que ça en fait une mauvaise personne, une grosse raclure ? Est-ce qu’il ne s’inscrit pas tout simplement dans la société actuelle en ayant certains propos ? Et dans ce cas là, est ce en lui donnant un gros hurricane kick dans la tronche que j’aurais le plus d’efficacité pour échanger avec lui ? Suis-je moi-même irréprochable avant de vouloir lui jeter la pierre ? Si j’ai bien appris quelque chose avec mon métier, c’est que le respect, ça va dans les deux sens et c’est en étant transparente et cohérente avec les valeurs que je veux véhiculer que les choses évoluent.

Sur des groupes dont la réputation est pourtant mauvaise, j’ai rencontré des gens plein de bonté, des gens parfois impliqués dans des causes ou des travails que je qualifierai réellement d’altruistes.

Je comprends que certains en aient marre de se faire traiter de raciste, d’homophobe, de sexiste alors qu’ils ne le sont pas réellement. Je comprends aussi l’irritation qu’on peut ressentir quand dans un débat nous n’arrivons pas à convaincre, à comprendre ou échanger afin de transmettre nos valeurs. Valeurs qui au fond ne sont pas forcément si éloignées que ça de celui à qui on s’oppose. L’opposition sur les réseaux sociaux relève bien souvent davantage de la tauromachie que du réel échange, on ne veut pas débattre, on veut abattre et c’est là tout le souci.

Maintenant, je vais parler de la x card. Il est évident que nous avons un très large panel de joueurs, d’horizon social et culturel, de sensibilité différente. C’est à la fois une richesse mais aussi une particularité dont nous devons tenir compte : l’hétérogénéité du public. Comme en pédagogie, quand on a un public aux niveaux disparates et aux besoins cognitifs particuliers, on a pour mission de s’y adapter. Normal, on est pas le prof d’un seul type d’élève tout comme on est pas le MJ d’un seul profil de joueur. Moi, ça me semble du coup normal de différencier son approche ludique, tout comme je différencie mon enseignement à destination de mes élèves. Mon comportement change mais aussi mes supports. Je perçois ainsi la X- Card. Un genre de filet de sécurité pour des joueurs, personne n’est obligée de s’en servir mais elle est là, sur la table. La possibilité existe et c’est une autre manière de dire à l’autre : « oui, tu es sur une table où c’est okay si jamais t’as un souci ». Alors, y’en a qui vont me dire : « oui, mais si y’a un souci mes joueurs et moi, on en parle, on a pas besoin de la x card ». Ce à quoi, je réponds : tant mieux si à ta table, tout le monde est capable de verbaliser et que ça se passe bien, y’a pas de malaise là-dessus.

On peut aussi discuter de nos éventuels traumatismes, si nous en avons. Le MJ peut prendre les devants en annonçant lorsque des sujets pouvant heurter la sensibilité du public peuvent être traités a cours du scénario (après tout, ça se fait très bien au cinéma ou dans le monde du jeu vidéo également). Personnellement, je n’utilise pas la X Card en tant que joueuse. Mais je sais que j’aime bien susciter l’émotion en tant que MJ, la peur, la tristesse. Oui, je suis une MJ feel good.

Franchement, ça me coûte rien de tracer une croix sur un bout de papier si ça peut aider quelqu’un. Et rien ne me dit que dans son malaise (s’il y a malaise), la personne utiliserait ce support là. C’est juste une option parmi tant d’autres. Après si la personne sort sans arrêt la x card au cours de ta partie, c’est qu’elle n’a pas compris sur quel type de jeu ou scénario elle mettait les pieds et ça montre aussi une faille dans la communication en amont selon moi.

Si toi, t’as pas envie, c’est pas grave. La X Card, c’est qu’un moyen parmi tant d’autres que tu pratiques sûrement déjà pour t’assurer que tout le monde va bien et passe un bon moment.
D’ailleurs, y’a pas que le MJ qui peut être en charge de la gestion des émotions des autres. Je vais reprendre l’exemple de la pédagogie. Je vais prendre l’exemple du groupe, parce que oui, nous sommes un groupes d’individus lorsque nous jouons et donc, chacun participe du bon déroulement de la partie. Dans des groupes puzzles, on a souvent une répartition des rôles des élèves, genre untel gère le temps, untel gère la répartition de la parole, etc. On responsabilise chaque personne autour de la table, on peut appliquer ça aussi au bien être autour de la table. Car le MJ est bien souvent surchargé cognitivement à mon sens, au bout de plusieurs heures, se concentrer sur un groupe d’individus, c’est épuisant, il se rend pas forcément compte que quelqu’un est en bad. On peut aussi songer à un genre de tutorat ludique où un binôme se charge de veiller sur nous si jamais on est pas certains que ça se passe bien autour de la partie.

Encore une fois, rien d’obligatoire. Toutes ces pratiques sont optionnelles et la plupart du temps, les gens en ont opté pour d’autres de manière intuitive car je le pense sincèrement, les joueurs savent que la seule chose obligatoire à une table de jeu de rôle, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire qui est « liée », « attachée » à notre activité, c’est qu’on passe tous un bon moment.

Bref. Prenez du recul, peu importe votre positionnement et passez un bon dimanche.