La bise est une coutume typiquement française, dont certains aspects peuvent se retrouver également dans d’autres pays. Néanmoins, en Asie notamment, elle surprend, intrigue et parfois dégoûte, et c’est bien normal car voilà une habitude qui nous semble si naturelle qu’on en a oublié l’originalité. Guillaume Rué de Bernadac vous propose de la redécouvrir.
Comment en est-on arrivé à se faire des bises ?
On pourrait penser que cela fait partie de notre culture ancestrale, mais il n’en est rien, comme pour beaucoup de nos codes sociaux, qui évoluent énormément au fil du temps. La bise a selon les époques triomphé ou péri.
Les anthropologues, historiens et autres psychanalystes bataillent pour en déterminer l’origine : transformation d’une ancienne habitude de se renifler pour se reconnaître ? De donner bouche-à-bouche de la nourriture pré-mastiquée à son bébé ? Expression affective liée à l’enfance ? On ne saura sans doute jamais…
La réalité est que la bise comme salutation est mentionnée depuis l’Antiquité notamment en Grèce ou en Inde où le Kâma-Sûtra répertorie près de 30 baisers différents. Ce sont les Romains qui l’érigeront en code social sophistiqué : aurions-nous vécu à Rome il y a 2000 ans nous aurions pratiqué l’osculum entre personnes de même rang social, avec la bouche fermée sur la joue, main ou les lèvres ; le basium qui est le baiser de tendresse entre ceux partageant un lien affectif (famille et conjoint) : et finalement le suavium, à forte charge érotique et les bons offices de la langue que l’on réservait aux "femmes de joies", en quelques sortes l’ancêtre du ainsi bien mal nommé French Kiss.
Ensuite, c’est le long déclin jusqu’au XXème siècle. Le concile de Carthage en 397 interdit le baiser entre hommes et femmes, soudainement vu comme une débauche. Il est alors l’apanage des nobles chevaliers et des clercs comme signe de reconnaissance. Donc seulement sur la bouche (ou l’anneau) et seulement entre hommes ! Bien différent d’aujourd’hui n’est-ce pas ? Puis il disparaît presque totalement au XIVème siècle, accusé – à raison – de propager l’épidémie de peste noire.
Après une timide tentative de retour à la Renaissance et au XVIIIème siècle avec les baisers galants, romantiques ou libertins, la bise en public est totalement bannie de l’espace public au XIXème siècle. La pruderie victorienne qui s’installe en Europe le cloisonne à l’intimité du couple d’où il ne sortira réellement qu’après Mai 68.
Mais où se fait-on la bise ?
Si vous vivez à l’étranger vous avez pu le constater tout cela dépend des pays. Certains vont au contact physique pour se saluer, comme la France, alors que d’autres non, comme la Chine.
On constate que parmi les coutumiers de la bise on trouve surtout les pays avec un héritage romain : pays francophones, l’Europe du Sud, pays orthodoxes et pays russophones (Moscou ne s’est-elle pas longtemps revendiquée comme la 3ème Rome ?). Dans le monde, on aura les pays arabes, latino-américains et certains pays africains. Bien sûr, le nombre de bises et la joue tendue en premier varie fortement parfois même au sein d’un pays.
Les réticents aux bisous se trouvent dans les pays anglo-saxons et d’Europe du Nord (Allemagne, Scandinavie) ainsi que l’Asie avec de rares exceptions comme certaines régions des Philippines ou d’Indonésie.
La bise aujourd’hui : mode d’emploi
Quand ? Dans la sphère sociale si le contexte est très informel, quand on se connaît un peu mieux dans un contexte plus formel. Pour ce qui est de l’entreprise, seulement entre collègues qui ont développé des relations amicales – c’est même donné comme un signe de privilège !
Avec qui ? Entre la famille, les sexes et entre femmes dans les pays occidentaux. Impensable entre hommes il y a 20 ans, les choses changent avec la nouvelle génération. Désormais la bise entre hommes est le signe d’appartenance à une même communauté : équipe sportive, association, bande d’amis, homosexuels etc. Dans les pays arabes en revanche cela ne se pratiquera qu’entre personnes du même sexe, pas entre hommes et femmes.
Comment ? Les lèvres ne touchent pas la peau de l’autre personne, c’est joue contre joue, en faisant un smack léger. Point essentiel que j’enseigne dans mes classes : pas de air-kiss comme l’appelle les Anglais, cette bise où on ne se touche pas les joues. Vous risquez que cela puisse être interprété comme du dégoût. Si vous vous lancez dans une bise, allez-y franchement. Si vous voulez l’éviter, simplement tendez la main en premier.
Mais concrètement ?
Commençons par quelle joue en premier… petite leçon de savoir-vivre.
Le plus commun est donc de tendre la joue droite. Mais dans certaines régions, extrême Sud-ouest, Sud-est et Est on commence par la gauche, avec l'exception notable de la Haute Normandie. Cela est très probablement une influence italienne : on commence à gauche dans le Piémont voisin.
Une fois que vous avez tendue votre joue, combien de bises allez-vous effectuer ? 2 est la norme dans la majorité de la France, incluant Paris. Il n'y a que la pointe de la Bretagne ainsi qu'un autre département qui n'en font qu'une. 3 bises se retrouvent en particulier dans le Sud et Sud-est, même si la Côte d'Azur aura tendance à en donner 2. Et il n'y a que peu de régions en France qui vont jusqu'à pratiquer 4 bises.
Cependant n’hésitez pas à l’enseigner autour de vous. « Passé la gêne première, les Chinois sont curieux de l’apprendre et de bien faire pour éviter les faux-pas. Moment joyeux garanti ! »