Henri Guillemin, ainé d’une famille de deux enfants, a vu le jour le 19 mars 1903 à Mâcon (Saône et Loire), au 57 de la rue Lacretelle. Son père, agent-voyer aux Ponts et Chaussées était libre penseur et sa mère, catholique pratiquante.
Apres ses études secondaires au Lycée Lamartine de Mâcon et le baccalauréat obtenu en 1919, HG partit en khâgne au lycée du Parc à Lyon, pour préparer le concours de l’Ecole Normale supérieure (ENS).
Henri Guillemin entre à l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris en 1923 : il a comme camarades de promotion Jean Cavaillès, Pierre-Henri Simon…. A l’ENS il croise Pierre Brossolette et Vladimir Jankélévitch admis l’année précédente …l’année suivante il rencontrera Paul Nizan, Jean-Paul Sartre, Raymond Aron…
Plusieurs mois avant son entrée à l’ENS, il était allé rencontrer boulevard Raspail à Paris Marc Sangnier, personnalité engagée qu’il admirait du christianisme social , fondateur du Sillon; les deux hommes avaient sympathisé et HG travailla plusieurs mois à ses côtés.
AVANT-GUERRE
En 1925 et 1926, il assiste aux Décades de Pontigny, colloques qui rassemblent des grands intellectuels et écrivains de l’époque. Chargé de prendre des notes au cours des débats, il fait connaissance de François Mauriac, qui sera plus tard témoin de son mariage , parrain de son fils aîné décédé accidentellement à l’âge de deux ans et lui donnera une préface pour son « Flaubert devant la vie et devant Dieu ».
En 1928, Henri Guillemin obtient l’agrégation de lettres classiques. Cette année là, Il se marie avec Jacqueline Rödel, dont le père avait été secrétaire de Marc Sangnier. Le couple aura quatre enfants.
Henri Guillemin enseigne de 1928 à 1936, la littérature dans plusieurs lycées de province : Tours, Bayonne, Clermont-Ferrand, Lille, Lyon. Il accepte ensuite une mission de professeur au Caire d’octobre 1936 à juin 1938.
En 1936, Henri Guillemin avait soutenu sa thèse de doctorat ès lettres, sous la direction du professeur Daniel Mornet : thèse principale « Le Jocelyn de Lamartine, étude historique et critique» (1936, 858 pages, Boivin édit. Paris) avec une thèse complémentaire « Les Visions .Poème inachevé de Lamartine ».
A son retour d’Egypte, en octobre 1938, Henri Guillemin rejoint , comme maître de conférences, l’Université de Bordeaux ,ville où est installée sa belle famille.
Le 14 juillet 1942, désigné comme gaulliste par le journal collabo « Je suis partout » ,Henri Guillemin se réfugie en zone libre ,rejoint quelques temps après par sa famille ,puis va s’installer Suisse.
APRÈS GUERRE
Après la Libération, Henri Guillemin est affecté comme attaché puis conseiller culturel, à l’Ambassade de France à Berne. Il prendra sa retraite en 1962 et continuera à résider en Suisse à Neuchâtel..
C’est pendant cette période que Henri Guillemin fera de nombreuses émissions à la télévision suisse romande, prononcera des conférences très suivies en France, en Suisse, en Belgique
En 1960 Henri Guillemin et son épouse acquéraient une maison dans le Mâconnais, près de Cluny sur la commune de Chissey les Mâcon : « la Cour des Bois » où ils vinrent passer plusieurs semaines chaque année.
Par la suite Henri Guillemin enseigne à Genève et à la faculté des lettres de Lyon.
En 1981, événement exceptionnel ! Henri Guillemin qui depuis l’après -guerre, publie de nombreux articles dans la presse écrite, apparaît enfin à la télévision française : il participe à une émission d’ « Apostrophes » de Bernard Pivot, le 27 février 1981 sur le thème « Besoin de croire » (cf. site internet INA)
Henri Guillemin décède à Neuchâtel le 4 mai 1992. Il est inhumé au cimetière de Bray (Saône et Loire).
HENRI GUILLEMIN, HISTORIEN OU POLÉMISTE ?
Ce littéraire de formation s’est très tôt passionné pour l’histoire à partir de l’étude des grands écrivains, et d’abord Lamartine, sujet de sa thèse, qui fut un homme profondément engagé dans son époque. C’est avant tout comme historien ou comme polémiste qu’Henri Guillemin est connu et apprécié du grand public. Lui-même se considère comme historien alors que ses contradicteurs le présentent comme polémiste, voire –avec les nuances péjoratives que le terme comporte- comme un pamphlétaire.
Le parcours universitaire prestigieux d’Henri Guillemin (voir sa Biographie) est un gage de sérieux, et il joint à une grande capacité de travail une passion pour la recherche, la découverte et l’analyse des inédits, des archives, des « petits papiers ».
Pourtant, dans l’introduction à L’avènement de M. Thiers et réflexions sur la Commune (Éd. Utovie, 2001, p. 7), n’a-t-il pas écrit : « Lecteur, sois dûment averti… tu ne trouveras pas, sous ma plume, de l’histoire mais du “pamphlet”. Pamphlet est le nom que porte l’histoire dès qu’elle s’écarte des bienséances et des mensonges reçus. Je dis bien mensonges. Il n’y a pas d’histoire objective ».
Attention : risque de contresens ! Cette forte phrase, n’est pas à prendre au pied de la lettre ; elle montre, en effet, que Guillemin n’hésite pas à entrer, volontairement, dans la controverse et à revendiquer une “histoire” enfin délivrée de cette idée fausse qu’elle est écrite une fois pour toutes et que, dès lors, elle est immuable ; Guillemin est souvent “polémiste”, parce qu’il ne se contente pas de répéter “les histoires” dites et redites, celles que défend un académisme frileux.
Avec de nouveaux documents, par la relecture obstinée de sources trop vite et mal exploitées, il questionne, il innove, il éclaire et cela ne plait pas à tout le monde. De fait, il est historien : historien de la littérature, biographe – certes, souvent critique – des écrivains et de nos hommes politiques, donc historien tout court ! Que signifie, pour lui, être historien ? De cela comme du reste, « lecteur, sois dûment averti (…). Ni impartial, ni impassible, j’ai tenté du moins, à chaque pas, d’être véridique. L’honneur de l’historien c’est sa loyauté ».
Dans la citation, extraite de L’avènement de M. Thiers…, le sens second, voulu par Guillemin, est en substance : Pour me discréditer, ceux qui ne sont pas d’accord avec mes analyses me font passer pour pamphlétaire ou polémiste. Or je suis un historien, compétent et argumenté mais, à la différence de mes contradicteurs, je ne suis pas conformiste. Cela ne m’empêche nullement de rester, en toutes occasions, historien. User de formules inattendues ou vigoureuses, qui passeraient pour provocantes et mal venues sous la plume d’un historien conventionnel, ne relève pas du pamphlet. C’est, simplement, que l’Histoire est traversée de contradictions, de zones d’ombre, maculée d’erreurs que les travaux récents des historiens tentent d’effacer. Pour cela, parfois, il faut élever le ton : affirmer une vérité n’est pas polémiquer, c’est rester fidèle à ma valeur première, la loyauté.