UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
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Le Cycle de « Fondation », une histoire du futur
C’est un monumental roman historique, qui commence dans un avenir très lointain. Nous sommes au début du XIIIe millénaire de l’ère galactique. L’Empire est à son apogée : il englobe la totalité des mondes connus. En son centre, Trantor, cité monstrueuse qui recouvre toute la surface d’une planète.

Dans ce monde qui présente tous les dehors d’une orgueilleuse prospérité, un seul homme se souvient que les empires sont mortels. C’est un scientifique nommé Hari Seldon, père d’une nouvelle discipline, la psychohistoire, qui prétend s’appuyer sur l’étude du passé pour prédire mathématiquement le sort de l’Univers à partir de la loi des grands nombres. Ses calculs sont formels : l’Empire se meurt, et il n’est plus possible d’enrayer sa chute. S’écroulant sous son propre poids, il va immanquablement sombrer, ouvrant à l’humanité trente mille ans de ténèbres avant l’avènement d’un nouvel empire.

Cependant, notre homme a élaboré, à l’aide des outils de la psychohistoire, un plan susceptible de réduire à mille ans la période de ténèbres qui s’annonce : il fait établir aux confins de la galaxie une colonie de scientifiques, la Fondation, appelée à devenir le ferment de la renaissance. Au même moment, il fonde une deuxième Fondation, qui doit veiller, dans le plus grand secret, à l’exécution du Plan.

Telle est la trame initiale du cycle de Fondation, ½uvre maîtresse du romancier et scientifique américain Isaac Asimov (1920-1992), dont les éditions Denoël republient en deux volumes les principaux éléments. Tout a commencé le 8 août 1941, lorsqu’un étudiant en chimie soumet à John Campbell, rédacteur en chef du magazine Astounding, l’idée d’une transposition dans un futur lointain de la chute de l’Empire romain. Le jeune homme connaît ses classiques : il révère Hérodote et, surtout, a dévoré plusieurs fois Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, l’½uvre fondatrice d’Edouard Gibbon, à qui il multipliera les emprunts. Publiés sous forme de nouvelles entre 1942 et 1949, ces récits sont rassemblés de 1951 à 1953 en trois volumes, repris ici dans le premier tome de l’anthologie, qui reparaît dans une nouvelle traduction.


Economie de moyens

La narration est limpide, elle se caractérise par une remarquable économie de moyens : les scènes d’action sont rares, l’essentiel est constitué de dialogues. Le récit est scandé par les crises qui jalonnent l’histoire de la Fondation. Les principaux acteurs en sont de grandes forces historiques, et les grands hommes sont ceux qui savent les interpréter justement. Le cours de l’histoire semble irréversible et le Plan infaillible… Jusqu’à l’irruption du Mulet, aberration génétique aux pouvoirs terrifiants, dont Seldon lui-même ne pouvait prévoir l’avènement. Un homme seul peut-il changer le cours de l’histoire ? Même mariée aux mathématiques, l’histoire du futur n’est pas une science exacte…

Prodigieusement intelligent, le cycle est traversé d’analogies et de réjouissants clins d’½il historiques : ainsi, l’ultime sursaut de l’Empire est le fait d’un général surnommé « le dernier des Impériaux » qui finit éliminé par un empereur méfiant, lointain écho à Ætius, le Dernier des Romains, vainqueur d’Attila, qui mourut assassiné sur ordre de Valentinien III, jaloux de son prestige. Plus loin, la description d’une Trantor retournée à l’âge agraire, où des moutons paissent paisiblement au pied des ruines, rappelle furieusement les descriptions romantiques de la Rome du haut Moyen Age.

S’ils restent hantés par la question du sort des civilisations, ces deux romans sont radicalement différents des précédents. Plus méditatifs, plus métaphysiques… Asimov a vieilli

A partir du début des années 1950, Asimov se désintéresse de Fondation, et préfère se consacrer à l’autre partie de son ½uvre, ses histoires de robots (il en existe une anthologie, disponible en deux tomes chez Omnibus). Mais, en 1961, sa maison d’édition, Doublebay, récupère les droits du cycle et le sort de l’oubli. C’est alors que Fondation rencontra le succès public. En 1966, une convention mondiale désigne même l’½uvre comme « la meilleure série de science-fiction de tous les temps », devant Le Seigneur des anneaux, de Tolkien. Asimov ne peut résister à l’amicale pression de son éditeur. En 1982, plus de trente ans après avoir abandonné Fondation, il publie Fondation foudroyée, point de départ d’une quête des origines qui s’achève avec Terre et Fondation (1986). S’ils restent hantés par la question du sort des civilisations, ces deux romans sont radicalement différents des précédents. Plus méditatifs, plus métaphysiques… Asimov a vieilli. Il cherche à établir un pont entre Fondation et les histoires de robots, fondant ainsi tous ses récits dans une grande histoire du futur. Ce qu’il réussira avec une habileté incontestable.

Il rédigera même deux romans consacrés à la genèse de Fondation, Prélude à Fondation (1988) et L’Aube de Fondation, publié en 1993, après sa mort. Ces deux histoires enrichissent l’ensemble, et sont disponibles chez Omnibus dans une nouvelle édition. Mais il serait criminel d’entrer dans Fondation en commençant par ces textes : le début d’une histoire, ce n’est pas forcément le moment où tout commence.

Source: http://www.lemonde.fr/...