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Proudhon et la troisième voie : ni Dieu, ni maître
En 1840, Pierre-Joseph Proudhon publie un ouvrage intitulé Qu’est-ce que la propriété ?, qui marque profondément l’histoire des idées politiques et consacrant son auteur comme le chantre de l’anarchisme. Il s’agit d’une critique violente de la propriété industrielle telle qu’elle existe à cette époque. Proudhon considère le capitalisme bourgeois comme un système volant aux travailleurs leur force de travail. Pour lui, les salariés ne bénéficient nullement de la plus-value générée par la mise en commun des moyens humains, laquelle revient de facto aux propriétaires qui n’ont fait qu’investir des biens non représentatifs du boni produit par le travail collectif. Cependant, Proudhon n’adhère pas au communisme naissant qu’il considère comme dogmatique. Très vite il s’écarte des théories marxistes. A la collectivisation forcée, il répond par le mutuellisme qui est une nouvelle forme d’organisation du travail rompant avec la division entre exploitant et salarié. Tout le monde reste ainsi propriétaire de sa force de travail individuelle, la propose certes de façon collective, mais récolte les fruits de toute association. Cette configuration professionnelle est à la base du projet de société défendu par Proudhon, dont le principe fondamental est le suivant : « le plus haut degré d’ordre dans la société s’exprime par le plus haut degré de liberté individuelle ». L’anarchiste reconnu n’est donc pas dans une logique de désordre, mais il propose de substituer au contrat social de Rousseau l’engagement individuel comme pierre angulaire de la vie en communauté. Il ne croit pas qu’un Etat puisse être le représentant de la volonté générale. Selon lui, il s’agit plus d’une mainmise par quelques-uns sur des ressources dont l’appropriation n’est pas légitime. Il préfère le fédéralisme, soit la réunion libre et consentie de communes pour vivre un projet en commun, au lieu d’un système étatique centralisé et puissant, lequel conduirait inéluctablement à l’autoritarisme et à la négation de l’individu. En résumé, Proudhon refuse toute forme d’autorité collective, qu’elle soit économique, politique, mais aussi religieuse. Se conformer à un ordre centralisé et impersonnel revient à annihiler les facultés possédés par chaque homme pour se gouverner soi-même. Il estime d’ailleurs le suffrage universel comme une supercherie. L’élection de Napoléon III, et l’usage que ce dernier fera du pouvoir légitimé initialement par le vote, le conforteront dans cette idée.

L’anarchisme selon Proudhon, c’est permettre à chaque individu d’être « également et synonymement producteur et consommateur, citoyen et prince, administrateur et administré ». Pour ce faire, il faut l’égalité pour tous, et donc rompre avec la hiérarchie sociale basée sur des droits et avantages acquis non par le travail, mais par la naissance. Il propose entre autre la gratuité du crédit, de façon à ce que tout esprit d’entreprendre ait la capacité de s’exprimer. Le capital sans intérêt serait ainsi à la disposition de tous et seule la réussite serait suffisante pour amortir l’emprunt. Proudhon ne refuse pas la performance, ni le marché et la libre-concurrence. Il évalue d’ailleurs ces principes comme force motrice permettant à chacun de se réaliser, qu’il soit directement investisseur ou pas.

Les théories proudhoniennes s’appuient ainsi sur le postulat suivant : aucune transcendance n’existe pour exiger du peuple qu’il se conforme à un ordre établi et censé le dépasser. Il trouve dans cette justification une man½uvre pour mieux asservir le plus grand nombre au profit d’une minorité. Il y voit même d’ailleurs un procédé d’essence religieuse. La religion serait un vecteur de hiérarchisation de la société dont le fondement est illégitime. Proudhon refuse donc aussi bien l’accumulation du capital dans quelques mains, que les discours dogmatiques censés moralisés la vie humaine. Il faut une troisième voie : ni Dieu, ni maître.

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