À l’heure où notre pays entre en confinement, il est nécessaire de connaître les effets psychologiques délétères d’une telle mesure, afin de s’en prémunir au mieux. Une étude récente fait le point.
Ca y est, nous sommes tous concernés : nous sommes confinés, certaines personnes sont même en quarantaine, afin de préserver notre santé et celle d’autrui. Séparation d’avec les êtres chers, perte de liberté, ennui et incertitude face à la maladie qui menace notre bien-être ou celui des autres : quels sont les effets psychologiques de tels facteurs ? L’équipe de Samantha Brooks, du King’s College, à Londres, a analysé 24 études scientifiques, réalisées dans 11 pays depuis 2003, suite aux épidémies de SRAS, MERS, grippe H1N1 et Ebola, pour identifier les conséquences psychologiques des quarantaines, les facteurs aggravants, ainsi que les conseils à prodiguer.
Symptômes de stress post-traumatique, anxiété, dépression...
Qu’en retenir pour l’épidémie de Covid-19 qui nous frappe aujourd’hui ? Sans surprise : symptômes de stress post-traumatique, anxiété, dépression, irritabilité, confusion, peur, colère, abus de médicaments ou de drogues, insomnie, stigmatisation ; ce sont en gros les méfaits d’une mise en quarantaine. D’après cette vaste analyse (métaanalyse est le terme consacré), les personnes souffrant de troubles psychiatriques ou travaillant dans le domaine de la santé sont les plus vulnérables. Et plus la quarantaine ou l’isolement sont longs, plus la santé mentale se dégrade, sans que l’on sache vraiment quelle est la limite à ne pas franchir. Toutefois, une des études prises en compte dans cette synthèse suggère que les personnes placées en quarantaine plus de 10 jours ont des symptômes de stress post-traumatique plus élevés que celles isolées moins de 10 jours, probablement parce qu’un isolement prolongé finit par engendrer une forme de traumatisme mêlant peur et anxiété. D’autant que les sujets mis à l’écart ont davantage peur pour leur santé ou celle des autres que ceux restés « libres » de circuler : un facteur de stress et d’angoisse supplémentaire.
Selon les chercheurs, il est donc primordial que les autorités limitent la quarantaine ou le confinement « à ce qui est scientifiquement raisonnable compte tenu de la durée connue des périodes d’incubation » ou d’épidémie, et que les personnes les plus « fragiles » soient les mieux suivies durant ces phases.
L’importance de la routine quotidienne
Quant à la diminution des contacts physiques et sociaux, l’absence de divertissement et le confinement, ils provoquent ennui, frustration, ainsi qu’un sentiment d’isolement du reste du monde, vécu comme pénible par la plupart des participants des études. D’où l’importance de maintenir une routine quotidienne (se lever comme pour aller travailler, se laver, manger aux horaires habituels…) et d’organiser sa journée tout en continuant à communiquer avec son entourage via internet, les réseaux sociaux et les appels téléphoniques. À défaut de pouvoir contacter des proches, les chercheurs suggèrent d’intégrer des groupes de soutien local ou de discussion en ligne : leurs effets bénéfiques contre l’ennui ou l’isolement sont semblables au fait d’échanger avec des connaissances. En effet, Brooks et ses collègues ont constaté que les personnes incapables d’activer leur réseau se révèlent plus anxieuses pendant leur quarantaine, voire en détresse, et ce même longtemps après la fin de l’isolement.
Enfin, la clarté de la communication, des informations et la coordination de la part des autorités de santé et des politiques sont cruciales. Lorsqu’elles font défaut, elles engendrent un facteur de stress très important. Si les données fournies sont contradictoires ou confuses, les concitoyens ne comprennent pas l’obligation d’isolement ou de quarantaine et se mettent à imaginer les pires scénarios… D’où également l’importance de relayer les bonnes informations et non les fake news.
Et que nous dit aussi cette métaanalyse sur l’après-crise ? Qu’adviendra-t-il lorsque nous pourrons de nouveau sortir et nous déplacer ? Des effets psychologiques à plus long terme, comme la dépression, l’anxiété et l’insomnie, persistent parfois, notamment à cause des impacts économiques du confinement. En France, les mesures prises par le gouvernement devraient limiter ce genre de dégâts. De même, devrait-on échapper à la stigmatisation dont ont été victimes des sujets placés en quarantaine lors de l’épidémie d’Ebola en 2014, souvent par manque d’information concernant les raisons de l’isolement.
Globalement, les chercheurs concluent que « les avantages potentiels de la quarantaine de masse obligatoire doivent être soigneusement pesés par rapport aux coûts psychologiques possibles ». Mais que, malgré l’impact psychologique globalement négatif, le confinement reste justifié dans certaines situations épidémiques : « Les effets psychologiques de la non-mise en quarantaine et de la propagation de la maladie pourraient être bien pires… »