Les Formica archboldi sont connues depuis plusieurs décennies pour décapiter leurs proies et laisser leur tête dans le nid. Un chercheur américain en a appris un peu plus sur ces fourmis au cours d’une étude.
Depuis 60 ans, des études de terrain montrent que les fourmis Formica archboldi – présentes au sud-est des États-Unis – ont une étrange coutume : elles dispersent des morceaux de fourmis Odontomachus dans leur nid, notamment des têtes, et en mangent d’autres (visible dans la vidéo ci-dessous, en anglais).
« Quatorze ans après que Formica archboldi a été formellement décrite par Smith, une note sur l’histoire naturelle particulière de cette espèce a été écrite. En 1958, Van Pelt a noté : ‘Les nids des F. archboldi contiennent de nombreuses têtes de Odontomachus haematoda insularis, ce qui indique que les Formica peuvent se servir d’un nid de Odontomachus, ou alors que ces dernières servent de nourriture’« , écrit le chercheur américain Adrian Smith dans la revue Insectes Sociaux.
Pour en savoir plus sur ce funeste phénomène, il a étudié la relation entre ces deux genres de fourmis.
Une étude du « profil hydrocarburique cuticulaire » des fourmis
Le biologiste a observé les interactions de ces fourmis en laboratoire et parallèlement, il a établi le « profil hydrocarburique cuticulaire » des F. archboldi. Ces termes quelque peu barbares font référence à une couche de cires non volatiles qui recouvrent le corps des insectes.
Leur fonction principale est d’empêcher la dessication mais elles peuvent également jouer un rôle dans la communication chimique. Par exemple, chez les fourmis du genre Odontomachus, cette couche permet de différencier les fourmis originaires du nid des autres. Ce profil peut être variable entre les espèces et parfois même, entre les colonies.
Cependant, il est possible que certaines espèces partagent un profil à peu près identique notamment si une relation de parasitisme les lie : l’organisme commensal (parasite) reproduisant le profil de l’hôte. Le chercheur a donc réalisé ce « profil hydrocarburique cuticulaire » sur des échantillons provenant de 21 colonies découvertes dans 3 zones de Floride : une où l’espèce Odontomachus relictus est abondante et deux où Odontomachus brunneus fourmille.
Les F. archboldi n’ont pas d’arme secrète, elles sont juste très douées
Grâce à son étude, Adrian Smith a obtenu plusieurs résultats intéressants. Tout d’abord, ces derniers soulignent que
« F. archboldi a un profil hydrocarburique cuticulaire qui correspond à celui des espèces natives de Odontomachus avec lesquelles elle cohabite« .
Mais cette correspondance n’empêche pas les agressions entre ces spécimens. L’intérêt de celle-ci reste donc, pour le moment, sans réponse. Autre découverte : les F. archboldi sont particulièrement efficaces pour tuer des Odontomachus.
Elles se servent d’un spray d’acide pour les neutraliser, normalement utilisé comme arme défensive. Celui-ci n’est pas plus efficace que celui des autres espèces de Formica. F. archboldi est juste particulièrement douée pour s’en servir.
Pour M. Smith, il s’agit là d’une preuve que les F. archboldi sont devenues avec le temps des prédateurs spécialisés dans la chasse aux Odontomachus. Même en laboratoire, ces insectes se sont appliqués à ramener dans le nid le corps de leurs adversaires pour les décapiter.
« Avant cette étude, Formica archboldi était juste une espèce avec l’étrange habitude de collectionner des têtes. Maintenant nous avons ce qui pourrait être un modèle pour comprendre l’évolution de la diversification chimique et du mimétisme« , se réjouit le scientifique dans un communiqué.