Délicate et poétique, Tales from the Loop, créée par Nathaniel Halpern, est inspirée des tableaux de l’artiste suédois Simon Stålenhag. Son univers onirique, qui mêle paysages ruraux et machines futuristes, confère à la série l’aura mystique d’un monde qui se délite. Ses huit épisodes, centrés sur les habitants d’une bourgade de l’Ohio construite au-dessus de The Loop, un gigantesque artefact dont la technologie permettrait de percer les mystères de l’univers, sont autant de contes qui questionnent l’humain, son destin, et sa capacité à nouer des liens.
Ici, la machine n’est pas une ennemie, mais elle s’infiltre dans les lieux et dans les corps de cette petite ville des États-Unis, plantée au milieu de nulle part. Et quand elle bugue, ce n’est pas le chaos prophétisé dans de nombreuses ½uvres de SF qui en découle, mais une toile qui se tisse entre les différents personnages. Loin des autres séries technophobes, Tales from the Loop n’est pas anxiogène mais elle soulève, assurément, des réflexions profondes et existentielles. Le deuil — une composante que l’on retrouve dans The Leftovers — et la solitude prennent une place importante dans ce chapelet de contes humanistes et magiques.
Car The Loop, quand elle déraille (ou peut-être qu’en réalité, elle fonctionne parfaitement et tout ceci est une composante de sa raison d’être), est génératrice de perte, d’absence, de disparition, et donc de deuil, sous toutes ses formes : que ce soit un grand-père qui sait que son temps est compté, un adolescent dont le corps ne lui appartient plus, ou une fillette qui ne retrouve plus sa maison. Tales from the Loop repose sur ces connexions qui se tissent entre les personnages. Des connexions qui traversent parfois les âges. La série se balade sur plusieurs générations sans qu’on ait conscience de ses allers et retours tant son univers, peuplé de créatures robotiques rouillées ou abandonnées, est figé dans le temps.
Comme son titre l’indique, Tales from the Loop est coincée dans une "boucle", sa petite ville est sous cloche et ni le monde extérieur, ni le passage du temps ne semblent avoir de prise sur elle. D’ailleurs, sans la présence de ses géants de métal qui nous informent que l’on est dans une époque marquée par de grandes avancées technologiques, on pourrait placer l’action dans les années 70, voire 80 ou 90. Ce parti pris est autant un miroir des peintures de Simon Stålenhag qu’un choix narratif : l’absence de repères temporels joue, à chaque détour d’épisode, sur notre perception de l’histoire qu’on nous raconte. Et quand les années écoulées nous apparaissent, la dramaturgie prend alors tout son sens.
Tales from the Loop agite ainsi nos sens, de sa musique entêtante – imaginée par Philip Glass et Paul Leonard-Morgan, des notes au piano qui évoquent la féerie d’Agnes Obel ou la mélancolie de Max Richter, le compositeur de The Leftovers – en passant par sa mise en scène et sa photographie, qui appellent à la contemplation. Restent ses personnages, parfois un peu froids et pas bavards, mais qui délivrent, grâce à leurs nombreux silences, de beaux moments d’émotion tout en pudeur. La science-fiction comme on l’aime, en somme : pure, sans extravagances et centrée sur l’humain.