Les êtres humains sont capables de détecter cinq saveurs fondamentales : le sucré, le salé, l’acide, l’amer et l’umami. Chacune de ces perceptions est réalisée par une classe de cellules sensorielles de notre langue, grâce à des récepteurs moléculaires spécifiques. Par exemple, lorsque des molécules de sucre atteignent la langue, elles se fixent sur les récepteurs des cellules sensibles au sucré, qui s’activent et transmettent des influx nerveux au cerveau, où la sensation correspondante se forme.
Les goûts sont en grande partie appris
En parallèle de la reconnaissance des saveurs, le cerveau reçoit des informations sur d’autres propriétés des aliments, comme leur valeur nutritive ou le plaisir associé à leur consommation. À la naissance, les bébés ont une attirance spontanée pour le sucré et une aversion pour l’amer. C'est seulement après leur sevrage, et à mesure qu'ils se mettent à ingérer de la nourriture solide, qu’ils acquièrent des préférences qui leur sont propres. Cet apprentissage résulte d’un mécanisme bien particulier : chaque fois qu’ils mangent un aliment, leur cerveau relie le goût de cet aliment aux conséquences de sa consommation, et stocke cette information en mémoire.
Si les conséquences sont bénéfiques, par exemple parce que nous avons avalé assez de calories pour être rassasiés, l’attrait pour cet aliment augmente. Autrement dit, les préférences gustatives sont apprises, et non génétiques. En revanche, lorsque la nourriture que nous ingérons provoque un malaise – parce qu’elle est avariée ou parce qu’elle contient des toxines –, elle nous dégoûtera ultérieurement... On parle alors d’aversion conditionnée au goût.
Tout au long de sa vie, chacun effectue ses propres expériences gustatives et acquiert des préférences distinctes, qu’elles concernent des aliments entiers ou de simples nutriments. Ces préférences acquises peuvent l’emporter sur les goûts et les aversions innés. Ainsi, nous sommes nombreux à nous être habitués au café amer, alors que nous le trouvions imbuvable dans notre enfance. À force d’être récompensés par son effet stimulant, nous avons appris à en aimer le goût.
Réactions innées à l’amertume
Toutefois, les boissons et aliments amers sont loin de faire l’unanimité, en grande partie à cause de variations dans le patrimoine génétique. Si certains individus ne remarquent pas du tout l’amertume de tel ou tel produit, d’autres la perçoivent même lorsqu’elle est très faible. Notre génome renferme environ 25 gènes codant des récepteurs sensibles à cette saveur. Presque tous se présentent sous différentes variantes (encore appelées allèles), ce qui rend les récepteurs de notre langue plus ou moins aptes à reconnaître le goût amer – même si on ne constate jamais d’insensibilité totale.
Ces variations jouent probablement un rôle dans l’incapacité à s’habituer à des substances amères spécifiques. Ainsi, certaines personnes adorent la chicorée et le gin tonic, la bière ou les choux de Bruxelles, tandis que d’autres grimacent de dégoût à la seule idée d’en consommer. Les autres saveurs semblent plus consensuelles : le sucré, par exemple, ne suscite pas un tel grand écart dans les appréciations.