L’univers dans lequel nous vivons est tellement complexe qu’encore aujourd’hui nous sommes incapables d’expliquer certaines choses. C’est le cas notamment de la notion de « temps ». Et l’une des grandes énigmes qui captivent et divisent la communauté scientifique à propos du temps, c’est la question du voyage dans le temps.
Si certaines théories mathématiques tendent à montrer que cela est théoriquement possible, un physicien de l’Université de Genève, du nom de Nicolas Gisin, vient de publier une série d’articles qui mettent à mal cette idée.
Une théorie qui va à l’encontre de la relativité d’Einstein
Les recherches de Gisin tentent de réconcilier la théorie de la mécanique quantique moderne avec les mathématiques intuitionnistes, une théorie mathématique alternative apparue au début du 20e siècle et développée par le mathématicien néerlandais Luitzen Egbertus Jan Brouwer. Depuis plus d’un siècle, la théorie de Brouwer suscite la controverse au sein de la communauté scientifique, et les idées de Gisin devraient jeter de l’huile sur le feu.
La théorie intuitionniste est assez complexe, mais elle est essentiellement basée sur le rejet du besoin mathématique d’un concept appelé le « tiers exclu » ou « milieu exclu ». Selon ce concept mathématique, si une déclaration est faite, alors elle ou sa déclaration négative est systématiquement vraie. « Je rentre chez moi » ou « Je ne rentre pas chez moi », par exemple.
Mais si les mathématiques intuitionnistes rejettent le concept de « tiers exclu », la théorie de la relativité d’Einstein, elle, a besoin du tiers exclu, et elle est soutenue en cela par les mathématiques déterministes (calculabilité). En effet d’après la théorie de la relativité, tout évènement passé, présent ou futur a été initié au moment de la naissance de l’univers, et il peut par conséquent être déterminé dans le temps.
Les mathématiques intuitionnistes suggèrent le contraire, à savoir qu’il est impossible de déterminer ce qui va se passer grâce aux mathématiques. Il est ainsi impossible de prédire le nombre suivant dans une séquence mathématique, de la même manière que dans l’univers quantique un qubit reste dans plusieurs états à la fois jusqu’à ce qu’on l’observe.
Dans son article intitulé «Les langages mathématiques façonnent notre compréhension du temps en physique», Gisin soutient qu’il faut revoir le débat qui oppose d’un côté Einstein et les partisans du déterminisme, et de l’autre Brouwer et les partisans des mathématiques intuitionnistes.
Gisin souligne notamment qu’Einstein lui-même était conscient des failles de sa théorie de la relativité, dans laquelle il ne trouvait pas le moyen d’intégrer le concept de « maintenant ». Pour combler ce manque, les scientifiques partisans de la relativité ont ajouté des infinis à leurs équations. Par exemple, en supposant qu’une séquence se déroule à l’infini, il est possible de passer outre les théories de l’espace-temps pour démontrer l’existence d’un continuum singulier et infini, qui ressemblerait par exemple à un disque vinyle géant où nous, les observateurs, serions l’aiguille tourne-disque.
Cela permet de voir la relativité du temps dans un scénario où « maintenant » n’existe que parce que nous sommes là pour le regarder. Partant de là, si nous arrivions à construire une machine à voyager dans le temps, nous serions théoriquement en mesure de voyager vers un « maintenant » qui s’est produit dans le passé ou qui se produira à l’avenir. C’est le scénario le plus probable pour voyager dans le temps physique, comme dans « Retour vers le futur ». Pourtant, cela serait complètement impossible, à en croire Gisin et ses inspirations du XXe siècle.
Pas de voyage possible dans le temps
Gisin écrit dans ses rapports qu’un volume d’espace fini n’a la capacité de contenir qu’une quantité finie d’informations, et il est impossible à des nombres physiquement pertinents de contenir des informations infinies. En d’autres termes, il n’est pas possible de concevoir un univers infini qui pourrait s’entrelacer physiquement avec le temps, comme le suggèrent les scientifiques de la relativité.
Selon les mathématiques intuitionnistes, le temps se déroule pas à pas et « maintenant » est une cible mouvante. Ainsi, en passant d’un moment unique qui se déroule au suivant, nous voyageons déjà dans le temps, scientifiquement parlant. Toute tentative de voyager dans le temps, dans le style « Retour vers le futur », serait donc vouée à l’échec. Le temps n’ayant aucun lien physique avec la réalité, « le passé » n’existe plus. Et « l’avenir » n’existe pas non plus, car son existence est conditionnée par la réalisation physique de ce qui va se produire d’ici là. Par conséquent, il n’existe que « maintenant ».
Mais si les recherches de Gisin semblent ruiner les espoirs de tous ceux qui rêvaient de faire un jour comme Doctor Who, tout espoir de voyager un jour dans le temps n’est pas pour autant anéanti. La mécanique quantique a en effet quelques principes qui ouvrent la voie à d’autres possibilités intéressantes, comme le voyage dans le temps relatif. C’est-à-dire la possibilité de raccourcir les longues distances en pliant l’espace autour de nous. Mais pour y parvenir, il faudra d’abord combler le fossé qui existe entre la physique classique et la physique quantique. Selon Gisin, les mathématiques intuitionnistes reflètent mieux la réalité et elles nous offrent les meilleures chances d’arriver un jour à cela.