Après l'invasion de l'Union soviétique, le 22 juin 1941, les joueurs du Dynamo Kiev, club omnisports créé par la police et le NKVD, sont mobilisés. Beaucoup sont fait prisonniers et envoyés au camp de Darnitsa, où les Allemands rassemblent environ 600 000 prisonniers de guerre soviétiques. Ceux considérés comme « inoffensifs » sont relâchés. Parmi eux se trouvent Nikolai Trusevich, Oleksiy Klimenko, Ivan Kuzmenko, Nikolai Makhinya, Pavel Komarov, Makar Goncharenko, Fyodor Tyutchev, Mikhail Sviridovsky et Mikhail Putsin.
Ancien gardien de but du Dynamo Kiev, Trusevich rencontre peu après sa libération Jozef Kordik. Tchèque originaire de Moravie, Kordik est pour les Allemands un Volksdeutsche, un étranger d'origine allemande. Ses origines lui valent le poste de directeur de la boulangerie N°3 de la ville de Kiev. Grand supporter du Dynamo, il offre un emploi à Trusevich et lui propose de créer une équipe de football qui rassemblerait ses anciens coéquipiers. C'est ainsi qu'au printemps 1942, Trusevich part à la recherche des survivants du Dynamo. Le premier retrouvé est l'ailier Makar Goncharenko. En quelques semaines, les différents contacts se renouent. Huit joueurs du Dynamo (Nikolai Trusevich, Mikhail Svyridovskiy, Nykolai Korotkykh, Oleksiy Klimenko, Fedir Tyutchev, Mikhail Putistin, Ivan Kuzmenko et Makar Goncharenko) et trois du Lokomotiv Kiev (Vladimir Balakin, Vasil Sukharev et Mikhail Melnyk) sont rassemblés. Le FC Start est né.
Le FC Start joue son premier match le 7 juin 1942 contre le Rukh Kiev, équipe détenue par Georgi Shvetsov, ancien footballeur proche des Nazis qui est également le dirigeant de la ligue organisant les matchs. Une ligue que les joueurs du FC Start ont hésité à rejoindre. Pour certains, participer à la ligue de Shvetsov équivaut à collaborer avec les Nazis. D'autres pensent que jouer peut aider à remonter le moral des habitants. La décision de jouer est finalement prise. Selon la légende, Trusevich voit dans la couleur du maillot de son équipe un signe. Elle est « la couleur de notre drapeau. Les Fascistes devraient savoir que cette couleur ne peut être vaincue. »
Le premier match du FC Start se solde par une victoire 7-2. S'ensuit un match contre le Sport, une autre équipe ukrainienne, remporté 8-2. Mais Trusevich et ses équipiers ne rencontrent pas que des équipes locales. Ils disputent également une série de matchs contre différentes équipes de soldats étrangers des forces d'occupation avec un succès indiscutable. Le 21 juin, le FC Start bat une garnison hongroise 6-2. Le 28 juin, victoire 7-1 contre l'équipe d'une unité d'artillerie allemande. Puis 11-0 contre la garnison roumaine le 5 juillet. 9-1 le 12 juillet contre une équipe de travailleurs allemands des chemins de fer. 6-0 le 17 juin contre une équipe allemande dénommée PGS. 5-1 le 19 juillet contre le MSG WAL, une équipe hongroise. 3-2, la victoire la plus serrée, le 26 juillet contre le GK Szero, une autre équipe hongroise. Enfin, le 6 août, le FC Start rencontre la Flakelf, une sélection de la Luftwaffe. Les Allemands suggèrent à leurs adversaires du jour de ne pas gagner le match. Une défaite ne serait pas bonne pour le moral des aviateurs du IIIe Reich face à une équipe de locaux vaincus et conquis... Les Ukrainiens s'imposent 5-1.
L'occupant nazi voit d'un mauvais oeil cette série de victoires écrasantes, surtout quand la Luftwaffe fait partie des battus. Craignant que les victoires de « l'équipe des boulangers » n'inspirent les Ukrainiens et sapent le moral des troupes d'occupation, la Flakelf demande une revanche que les Ukrainiens acceptent.
C'est ainsi que le 9 août 1942 se joue au Stade Zenit, où s'entraîne habituellement le FC Start, un match sous haute surveillance. Ce n'est plus un simple match. La ville est recouverte d'affiches. La police et les troupes allemandes d'occupation viennent en nombre dans et autour du stade. Souhaitant voir le FC Start perdre devant des milliers de compatriotes, les Allemands ont rempli le stade par la force et ont entrepris de menacer les joueurs avant le coup d'envoi. Un officier SS est désigné arbitre du match. Alors que les joueurs ukrainiens se préparent, il vient les voir dans leur vestiaire et, dans un russe parfait, se présente, leur demande de respecter les règles du jeu et surtout de saluer leurs adversaires « à notre manière » – « notre manière » désignant le salut nazi.
Au départ de l'arbitre succède un silence froid. Tous sont conscients des graves conséquences de ce match. Par peur, certains suggèrent une évasion en masse, d'autres de simplement perdre le match. Selon certaines sources, une délégation roumaine serait alors entrée dans le vestiaire, déposant une corbeille de fruits et leurs souhaits de victoire. Les joueurs du FC Start décident en fin de compte de jouer le match, et de le gagner.
À leur entrée sur le terrain, les joueurs de la Flakelf tendent le bras droit et crient « Heil Hitler ! ». En réponse, les joueurs ukrainiens refusent de faire le salut nazi à leurs adversaires ainsi qu'aux gradés présents dans les tribunes, mettent la main sur le coeur et crient un slogan soviétique à la gloire du sport que presque tout le stade crie à la suite de l'équipe. Le match peut alors commencer. Et comme on pouvait le prévoir, il commence durement pour les Ukrainiens. L'arbitre est aveugle devant les fautes grossières commises par les joueurs de la Flakelf, qui mettent rapidement la pression sur le gardien Trusevich. Après plusieurs gros contacts physiques, Trusevich est frappé à la tête par un adversaire. La Flakelf ouvre le score sur cette action alors que le capitaine du FC Start est encore au sol, inconscient. Pendant que ce dernier reprend doucement ses esprits, le jeu reprend et la Flakelf joue toujours plus dur. Sous la bienveillance de l'arbitre, les aviateurs allemands multiplient tirages de maillots, charges dans le dos et tacles par derrière, semblant plus intéressés par l'adversaire que par le ballon. Un adversaire qui ne baisse pas les bras. Sur un coup-franc anodin accordé par l'arbitre, Kuzmenko marque d'une puissante frappe lointaine. Sur la remise en jeu, l'ailier Goncharenko récupère le ballon, dribble toute la défense allemande et donne l'avantage aux siens.
À la pause, la Flakelf est menée 3 buts à 1. Avec un tel déroulement des événements, la mi-temps est évidemment prétexte à de nouvelles intrusions et menaces. Le premier à entrer dans le vestiaire ukrainien est Shvetsov, qui suggère aux joueurs de laisser filer le match. Il est immédiatement suivi d'un officier SS qui, bien qu'il avoue que les Allemands sont impressionnés par leur talent, leur demande de ne pas gagner le match et de penser aux conséquences que pourrait avoir une victoire. Les joueurs allemands sont eux aussi mis sous pression. « C'est un match spécial que vous devez gagner pour prouver la supériorité de la race aryenne », leur est-il sermonné.
Mais les joueurs de Kiev ne faiblissent pas. Chaque équipe marque deux buts dans cette seconde période et le FC Start mène 5-3. Le match arrive à son terme lorsque le défenseur Klimenko prend le ballon, bat toute la défense allemande, contourne le gardien, puis, devant la ligne de but, se retourne et propulse le ballon vers le rond central. C'est l'humiliation. L'arbitre siffle la fin du match sur-le-champ, avant même la fin du temps réglementaire.
Une semaine plus tard, le 16 août, le FC Start joue son dernier match contre le Rukh Kiev, son tout premier adversaire. L'équipe de Trusevich s'impose encore plus largement que lors de leur première confrontation: 8-0. Les joueurs du FC Start sont arrêtés peu après par la Gestapo, au motif qu'ils seraient membres du NKVD. L'un d'eux, Nykolai Korotkykh, membre du Parti Communiste, meurt sous la torture. Les Allemands avaient effectivement trouvé chez lui une photo de lui avec l'uniforme du NKVD. Trusevich, Klimenko et Putistin sont arrêtés le 18 août dans la boulangerie qui les emploie, et interrogés pendant 23 jours par la Gestapo avant d'être envoyés au camp de travail de Syrets, situé à Babi Yar. Huit d'entre eux y seront déportés au total. Oleksiy Klimenko, Ivan Kuzmenko et Nikolai Trusevich y sont exécutés en février 1943. La légende veut qu'au moment de son exécution, Trusevich se serait levé et aurait crié: « Le sport rouge ne mourra jamais ! »
La propagande communiste se servira de cette histoire à ses fins et baptisera cet épisode tragique "Le match de la mort". Une statue en mémoire des joueurs ukrainiens du FC Start est érigée à l'entrée du stade Zenit de Kiev en 1971. En 1981, le Zenit Stadium de Kiev est rebaptisé le Start Stadium en leur hommage.
En 2005, une enquête officielle d'un tribunal allemand a conclu qu'il était impossible de prouver que la mort des joueurs du FC Start était liée au match du 9 août 1942. La même enquête n'a pas pu non plus établir avec certitude l'intervention de responsables allemands à la mi-temps. De plus, une photo existe et montre les joueurs des deux équipes posant à l'issue de la rencontre, souriants. Après la chute de l'URSS, l'un des membres du Start ayant survécu à la guerre, Makar Goncharenko, a d'ailleurs donné son avis sur la mort de ses anciens équipiers.
« Ils ne sont pas morts parce qu'ils étaient de grands footballeurs ou des joueurs du Dynamo. Ils sont morts comme beaucoup d'autres Soviétiques parce que deux systèmes totalitaires s'affrontaient. Ils ont été victimes de ce massacre à grande échelle. La mort des joueurs n'est pas très différente de celles de beaucoup d'autres gens ». Encore aujourd'hui, la légende demeure...