Interprète culte de “Chapeau melon et bottes de cuir”, unique Mme Bond de l’histoire du cinéma et royale lady Olenna Tyrell dans “Game of Thrones”, l’actrice anglaise au charme piquant est morte ce jeudi à 82 ans.
Et pourtant, c’est bel et bien d’Emma Peel dont on se souvient d’abord, et avant tout. Il suffit de trois petites années seulement, entre 1965 et 1968, dans les quatrième et cinquième saisons de Chapeau melon et bottes de cuir (sur la chaîne anglaise ITV), pour que le rôle lui colle à la peau, aussi étroitement que la mythique combi de cuir noir de son personnage. Emma Peel, l’agent très spécial qui distribuait les coups de pieds-jetés arrière sans renverser son champagne, frémissait à peine du sourcil devant les situations les plus folles et les dangers les plus mortels et, surtout, sauvait la mise à son comparse John Steed (Patrick Macnee, avec lequel elle s’entendait à merveille), aussi souvent que le contraire. Un concentré de séduction à la mode britannique, mi-accessoire sexy mi-figure proto-féministe, dont la distance ironique et le flegme aristo comptait autant que le sex-appeal.
Élevée en Inde (son ingénieur de père était au service d’un maharajah), puis admise à la Royal Shakespeare Company, « dame » Diana Rigg (elle a été faite « commandeur » de l’Empire britannique en 1994) a eu beau cesser de parler de ce rôle, si ce n’est pour répéter qu’à l’époque, elle gagnait « moins que le cameraman » (et donc beaucoup moins que son collègue masculin), elle restera longtemps enfermée dans la peau d’Emma Peel pour la majeure partie du public international.
Dans la foulée de Chapeau Melon et bottes de cuir, elle se retrouve Au service secret de Sa Majesté, de Peter R. Hunt en 1969, et... au service d’un autre espion fameux, James Bond, incarné par George Lazenby. « James Bond girl » ? Non, « James Bond wife ». Diana Rigg, alias Tracy Di Vincenzo, est en effet l’unique Mme Bond de l’histoire du cinéma, laquelle n’échappe pas à un sort tragique. Son interprète, elle, gardait un mauvais souvenir de l’expérience (« une erreur », selon elle) et de George Lazenby lui-même. Son charme piquant, sa grâce à la fois malicieuse et hautaine s’ancre pourtant encore une fois dans la mémoire collective.
Et après ? Beaucoup de théâtre, un peu de cinéma, et des rôles télévisés qui ont rarement dépassé les frontières du Royaume-Uni. Pendant plusieurs décennies, Emma Peel se transmet dans tous les imaginaires, de génération en génération. Mais le monde oublie un peu Diana Rigg. Jusqu’à son grand retour, en 2013, dans LA série la plus mythique de l’époque : Game of Thrones. Où Emma Peel disparaît enfin au profit de lady Olenna Tyrell, aïeule au visage parcheminé, serré dans d’épais voiles médiévaux. Méconnaissable, vraiment ? Non. Juste plus âgée. L’½il toujours aussi vif, l’allure toujours aussi royale, Diana Rigg n’y perdait rien de son charisme so british.
Un atout majeur pour interpréter la doyenne de l’une des plus influentes familles de Westeros. Dans le livre de George R.R. Martin dont Le Trône de fer est l’adaptation, cette matriarche, surnommée la « Reine des épines » à cause de son « piquant » franc-parler, est un personnage fort mais très secondaire dans l’intrigue. La série lui a fait plus de place, lui offrant de belles joutes verbales avec les héros principaux, et une épaisseur inédite. Loin de chercher à déguiser son âge, Diana en jouait avec classe, portant sur ses rides sans fard toute l’expérience, la ruse et la sagesse d’une Aliénor d’Aquitaine, d’une Catherine de Médicis au pays de la fantasy. Un dernier mythe, ni sexy ni accessoire : puissant.