UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
";
UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
";
Loading...
Loading...

30 octobre 1938. La Guerre des mondes : histoire d'un canular radiophonique
L'histoire de l'adaptation radiophonique par Orson Welles du roman « La guerre des mondes » est célèbre. Le 30 octobre 1938, le jeune Orson, 23 ans à l'époque, met en scène pour une antenne de CBS un faux « bulletin d'informations » basé sur le roman d'anticipation de son homonyme, Herbert Georges Wells, et raconte comment les martiens ont débarqué sur terre.

Si la légende veut que l’émission ait causé un vent de panique à travers tous les États-Unis, les faits sont en réalité beaucoup moins spectaculaires.


Une attaque extraterrestre en direct à la radio

Dans les années 1930, Orson Welles est un espoir montant pour Columbia Broadcasting System (CBS), le réseau radiophonique qui l’emploie.

On lui laisse de plus en plus de liberté pour produire des émissions radiophoniques et le jeune Welles n’hésite pas à faire parler sa créativité.

En 1938, alors qu’il est âgé de 23 ans, CBS lui confie l’animation d’un programme hebdomadaire : « The Mercury Theatre on the Air », où il met en scène des pièces de théâtre inspirées de romans populaires. C’est ainsi qu’il décide de s’intéresser à la science-fiction et de mettre en scène le célèbre roman La Guerre des mondes de H. G. Wells.

Le 29 octobre 1938, Welles décide avec sa troupe de sortir des sentiers battus et de faire une adaptation de La Guerre des mondes dans le présent. Et d’autres termes, ils allaient simuler en direct l’attaque de la Terre par des extraterrestres. Après une nuit de réécriture, le soir du 30 octobre 1938 Welles prend le micro et annonce aux auditeurs le « divertissement » qui va suivre. Il commence d’abord par annoncer une « perturbation atmosphérique » sans intérêt, avant de faire état d’« explosions de gaz incandescent » observées sur Mars. Puis tout s’enchaîne, des astéroïdes prennent la direction de la Terre et finissent par s’écraser sur Terre.

Et bientôt, l’impensable arrive, la Terre est attaquée par des Martiens.

Une fois la transmission terminée, Welles rend l’antenne et reprend les répétitions nocturnes avec sa troupe. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.


La légende du vent de panique suscité par l’émission

Le lendemain de la diffusion de la fausse annonce d’attaque extraterrestre de Welles à la radio, plusieurs journaux américains font état de scènes de panique et d’émeutes massives à travers les États-Unis.

De nombreux rapports vont emboîter le pas aux journaux et mentionner une grande panique générale causée par la diffusion radio. C’est le cas notamment du sondage Gallup qui va rapporter que de nombreux Américains ont répondu positivement à la question “avez-vous paniqué durant l’émission radio?”, de même que des plaintes subséquentes à la chaîne de radio et l’augmentation des coups de téléphone durant la retransmission.

Le psychologue Handley Cantril affirmera lui aussi avoir récolté de très nombreux témoignages de gens ayant paniqué suite à la diffusion radio. Des témoins ont même rapporté avoir ressenti des symptômes physiques de l’attaque, comme la chaleur des rayons émis par les armes des Martiens ou l’odeur des gaz qu’ils auraient répandus.

Mais cette légende du vent de panique occasionné par l’émission de Welles n’est pas partagée par tout le monde. Le sociologue Robert E. Bartholomew par exemple a mené sa propre enquête et est arrivé à la conclusion que l’étude de Cantril n’est qu’une exagération des faits réels. Selon lui, Cantril n’a conduit son sondage qu’auprès de 135 personnes, et il aurait délibérément choisi des personnes qui abondaient dans le même sens que lui. Pour Bartholomew, les événements les plus dramatiques rapportés par Cantril (crises cardiaques, suicides) sont infondés, mais font désormais partie du folklore américain.

Le sociologue Pierre Lagrange va lui aussi dans le même sens que Bartholomew et affirme que la panique engendrée par La Guerre des mondes d’Orson Welles a été largement exagérée. De rares cas d’affolement sont survenus selon lui, mais pas d’hystérie collective. Pour lui, Cantril a probablement surestimé la « peur » ressentie (à juste titre) par les personnes qui ont écouté l’émission, la faisant passer pour de la « panique ».


Rien de plus qu’une légende en fin de compte

Il existe de nombreux faits vérifiés qui montrent que la grande panique provoquée par l’émission radio de Welles n’est rien de plus qu’une légende. Tout d’abord, il n’y avait pas énormément d’auditeurs qui ont suivi l’émission de Welles le soir du 30 octobre 1938. Sur 5 000 foyers américains qui possédaient une radio à l’époque, seulement 2% ont suivi l’émission de Welles d’après le sondage mené par le service d’audience C. E. Hooper. Des émissions populaires diffusées à la même heure comme The Chase and Sanborn Hour sur NBC ont privé l’émission de Welles d’une bonne partie de l’audience.

Ensuite, une bonne partie des personnes qui écoutaient effectivement la Guerre des mondes savaient qu’il ne s’agissait que d’une mise en scène. L’émission avait en effet été clairement annoncée dans les programmes de CBS, et un générique marquait le début et la fin de la diffusion. Et pour finir, les hôpitaux new-yorkais n’ont enregistré aucun pic d’affluence à l’occasion, et contrairement à ce qui a été annoncé dans les journaux, les témoignages de l’époque ne font pas état de scènes de panique.

Il est aussi important de noter qu’à l’époque, la radio commençait à prendre de l’ampleur aux dépens de la presse écrite. La radio raflait de plus en plus de publicité et cela portait un sérieux coup dur aux revenues de la presse. La presse nationale s’est donc naturellement déchaînée contre cette petite station lorsqu’elle a mis en scène l’attaque de la terre par des extraterrestres.