Après Brave New World l’année dernière, un autre classique de la science-fiction trouve son chemin vers le petit écran. Apple TV+ nous propose ainsi Foundation, une libre adaptation du Cycle de Fondation d’Isaac Asimov qui a été développée par David S. Goyer (Batman Begins, Man of Steel) et Josh Friedman (Snowpiercer).
La série nous entraine au 13e millénaire de l’ère impériale, lorsque le Dr. Hari Seldon (Jared Harris) prédit la chute imminente de l’Empire à l’aide de la Psychohistoire — la prédiction du futur par les mathématiques, pour faire simple. Seuls Hari et Gaal Dornick (Lou Llobell) peuvent comprendre les équations qui effraient les Cléons (Lee Pace, Terrence Mann et Cassian Bilton), dirigeants issus d’une lignée de clones empereurs, qui les envoie sur Terminus, une petite planète isolée aux confins de la galaxie, pour qu’ils poursuivent leur travail et créer la Fondation sans interférer sur le développement de l’Empire.
Adapter Foundation n’est certainement pas chose aisée et parler de la série sans se noyer dans les spoilers est également un challenge, car il y a presque trop à expliquer pour que tout cela ait un sens. Il faut dire que le matériel d’origine est un assemblage de nouvelles qui forme une histoire s’étendant sur une très longue période avec de multiples points de vue. Une approche qui est indéniablement plus gérable sur papier qu’à l’écran. À moins de regarder une anthologie, nous voulons des personnages récurrents dans lesquels nous pouvons nous investir et un récit dont les enjeux immédiats sont aisément discernables.
L’équipe créative derrière cette première saison parvient à s’en sortir assez honorablement dans ce domaine grâce à un découpage des épisodes qui permet d’offrir assez d’espace et de temps aux développements des différents personnages et à ce qui les anime. La structure narrative est tout de même légèrement déroutante par moment, car elles annulent bon nombre d’enjeux dramatiques assez rapidement au début de la série. Après deux épisodes, il faut presque tout reprendre à zéro et cela est déconcertant, jusqu’à ce que l’on commence à percevoir l’image bien plus large que l’on veut nous présenter.
Ainsi, on nous annonce la chute de l’Empire sur plusieurs siècles et l’on nous parle des actions de différents groupes, car l’on ne peut pas prédire ce qu’une personne isolée fera. Foundation explore alors avec cette idée que le futur de l’humanité se dessine à grande échelle, mais nous ignorons quel rôle les uns et les autres vont jouer dans cette histoire. On en vient donc à discuter autant de l’importance que de l’insignifiance des individus sur le long terme, et par extension de leur impact et de l’héritage qu’ils construisent. Une réflexion qui implique aussi bien ceux qui sont au sommet du pouvoir que ceux qui n’en ont aucun. Le but de la fondation de Hari Seldon est en premier lieu de choisir ce qui mérite d’être retenu pour aider les générations futures à se relever après une chute inévitable. En réponse, la saison explore comment ce qui a été retenu et oublié du passé pourrait modeler le futur.
Avec le budget colossal attribué à la série, il aurait été aisé de faire de Foundation une simple expérience visuelle. Les effets spéciaux sont de toute beauté, l’univers est immense, varié et foisonne de détails excitants. Nous avons là une production qui est techniquement d’un niveau très élevé, mais cela n’aurait pas fonctionné sans un scénario solide et un casting qui l’est tout autant.
Il n’y a pas de grandes stars au générique, mais des acteurs qui ont l’expérience suffisante — Jared Harris, Terrence Mann et Lee Pace sont des valeurs sûres qui ne déçoivent pas ici — et de nouveaux visages qui ont l’occasion de montrer leur talent — comme Lou Llobell, mais surtout Leah Harvey (qui joue Salvor Hardin). La démesure de la production n’enlève rien au fait que ce sont les personnages qui font avancer les intrigues et qui nous aide à appréhender la complexité de cette histoire pensée sur la durée et non sur ses twists.
Cette première saison de Foundation ne manque pas pour autant de surprises, mais celles-ci ne servent pas de piliers pour faire tenir le récit en place. La série est écrite avec intelligence et bénéficie d’une qualité de production supérieure pour nous offrir une aventure humaine à l’échelle impressionnante. Le résultat est un très bon show de science-fiction narrativement et thématiquement riche, émotionnellement mature et d’une beauté visuelle qui est à la hauteur de ses ambitions.