UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
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Sympathy for the Devil
1968, en Angleterre, les Beatles sont au sommet, mais de plus en plus pointe à l’horizon un groupe qui rêve de les détrôner, The Rolling Stones. Après cinq album de bonnes factures mais d’où n’ont véritablement explosé que deux titres, Satisfaction et Ruby Tuesday, les Stones sortent, en 1967, la plaque Their satanies majesties request qui parodie ouvertement l’album Sergent pepper’s lonely hearts club band. Il faut d’ailleurs noter l’autodérision de John Lennon et Paul McCartney qui font les ch½urs sur le titre d’ouverture de l’album, Sing this all together, un joli clin d’½il mais qui tendrait aussi à démontrer que la rivalité entre les Fab Four et les Stones était surtout médiatique et/ou commerciale. L’album n’est pas une réussite commerciale et l’opprobre est jeté sur Jagger et sa bande car plusieurs titres évoquent ouvertement le diable ou des rites sataniques… En fait, on parle davantage de ses allusions que de la qualité musicale des chansons…

Un peu par provocation, Jagger travaille donc sur une chanson qui parle ouvertement du diable. Puisque les allusions dérangent, alors il l’évoquera sans fard ! Pour écrire son texte, Mick Jagger s’inspire du roman classique de la littérature russe, Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov. Jagger positionne le chanteur de ce titre comme le narrateur d’une histoire; ce narrateur est le Diable en personne qui évoque ses exploits tout au long de l’histoire humaine. Mais on s’aperçoit en fait, au long du texte, que ces exploits diaboliques ne sont en fait que de tristes comportements humains. A l’origine, la chanson est composée pour être un morceau folk, Jagger confesse d’ailleurs s’être inspiré de Bob Dylan pour la construire mais Keith Richards propose de lui donner du poids en accélérant le tempo, en y ajoutant des percussions ainsi qu’un long solo de guitare qui porte sa griffe. La chanson devient donc un rock mâtiné de samba allant crescendo. Clairement, Mick Jagger affiche de la provocation jusque dans le titre puisqu’il baptise la chanson Sympathy for the Devil… De la sympathie pour le Diable ! Il fallait oser alors que qu’on finissait de reprocher aux Rolling Stones d’user d’allusion au Malin… Et évidemment, lorsque la chanson parait, en décembre 1968 sur l’album Beggars Banquet, l’avalanche de critiques nourries par la peur s’abat sur les Stones qui sont accusé de dévotion à Satan mais aussi d’être source d’influence néfaste sur la jeunesse anglaise trop allaitée aux chansons policées des premiers albums des Beatles. Il est clair que Beatles et Rolling Stones ne boxent pas dans la même catégorie et que des clans se forment au sein des couches adolescentes de sa très gracieuse majesté. On est fan des Beatles ou l’on s’affiche pour les Stones, mais on ne peut pas se ranger des deux côtés. Quoi qu’il en soit, Mick Jagger a réussi son pari, avec l’album Beggars Banquet (qui contient quelques perles comme Street Fighting Man, No expectation et, bien sûr Sympathy for the Devil), de faire des Rolling Stones un groupe fort, un groupe qui, bien qu’il existe depuis six ans, est à l’aube d’une carrière exceptionnelle qui dure encore aujourd’hui, plus de quarante ans après cette provocation notoire…

Sympathy for the Devil évoque clairement de grands événements tragico-historiques comme la Révolution russe et l’assassinat du Tsar et de sa famille, la seconde guerre mondiale ou l’assassinat de JFK, des événements que le Diable narrateur s’imputent comme pour mieux exorciser l’idée que tous ces actes barbares ont été posés par des Hommes… Mais le passage qui heurta surtout la moralité bien-pensante de l’Angleterre des années ’60 se trouve en début de chanson, lorsque qu’est évoquée la crucifixion de Jésus-Christ sur l’ordre de Ponce Pilate. Alors que la chanson fut enregistrée, en juin 1968, dans les studios Olympic de Londres, c’est à Los Angeles, quelques semaines plus tard alors que Jagger, Richards et le producteur Jimmy Miller s’occupent de la postproduction de l’album que l’idée d’ajouter les fameux whoo whoo qui renforcent le côté envoutant de l’ensemble…

Aujourd’hui, plus de quatre décennies après la sortie de Sympathy for the Devil, les historiens du rock s’accordent à dire qu’il s’agit de la chanson la mieux construite du 20è siècle, un savant mélange de tam-tam, de samba, de rock agrémenté d’un riff de guitare phénoménal pour accompagné un texte puissant servi par des ch½urs qui apportent réellement un plus à l’ensemble… Comme c’est souvent le cas, les ½uvres d’art – Sympathy for the Devil en est une ! – elle a failli ne jamais voir le jour. En effet, la version première de Jaeger (baptisée Devil is my name à l’origine) ne devait pas prendre place sur un album, c’était un coup de sang du leader des Stones à l’encontre des critiques émises sur l’album Their satanies majesties request. Mais il était risqué, commercialement parlant, d’insérer cette chanson sur une plaque. C’est un peu à Jean-Luc Goddard qu’on doit la naissance de ce chef d’½uvre car, pour son documentaire One + One, parfois d’ailleurs rebaptisé Sympathy for the Devil par la suite, il voulait mettre en boite les Rolling Stones dans un processus de création d’une chanson mais l’album Beggars Banquet était complet. C’est alors que Mick Jaeger et Keith Richards ont retravaillé Devil is my name pour en faire Sympathy for the Devil…