Une promenade sur l'internet m'a fait découvrir l'histoire des bombes volantes, envoyées sur le continent nord américain, par les japonais, lors de la seconde guerre mondiale. Le 12 janvier était une date anniversaire pour la province de Saskatchewan, au centre Sud du Canada. Le 12 Janvier 1945, une de ces bombes explose dans la région et fait une seule et unique victime: une clôture.
Loin de la haute technologie de l'Allemagne Nazie, les bombes volantes japonaises sont rustiques. Elles se composent d'un ballon gonflé à l'hydrogène et d'un filet contenant une bombe incendiaire de 12 à 15 kilogrammes. Les ballons étaient à l'origine en soie mais ces ballons avaient tendance à fuir et le coût de production était élévé. Le meilleur compromis fut trouvé avec l'utilisation du papier imperméable et résistant: le washi: le papier des origamis. Ce papier n'étant disponible qu'en feuille de dimensions réduites (de l'ordre du m²), l'enveloppe des ballons était composé d'un collage de ces feuilles de papier. La colle provenait de la colle "langue du démon" (konnyaku). Les colleurs étaient généralement des adolescentes devant contribuer à l'effort de guerre. Assembleur de ballons-bombe étaient une occupation plutôt appréciée car la langue du démon était à la base un composé alimentaire, un gélifiant ou une alternative au tofu. Pour une fois, le travail pouvait nourrir son homme. La commercialisation du konnyaku en temps qu'aliment fut même interrompue durant la guerre pour favoriser la fabrication des ballons.
Environ 9000 de ces ballons ont été lâchés sur le Canada et les Etats-Unis entre Novembre 1944 et Avril 1945. Les ballons étaient largués de l'île de Honshu (la principale île japonaise), puis dérivés grâce au Jet Stream jusqu'au continent américain. Il faut, ici, préciser que le Jet Stream est une « découverte » japonaise et sa compréhension lui a donné un avantage substantiel pour la maîtrise du ciel au-dessus de l'océan Pacifique. A ce titre, les « ballons-bombes » peuvent apparaître comme une des premières utilisations de ce courant d'air: un parcours de 8000km à une altitude de 10km, effectué en 3 jours.
Durant la seconde guerre mondiale, les attaques directes du continent américain par les japonais sont rares et restent des attaques isolées: un sous-marin pilonnant les côtes (Estevan Point au Canada, Ellwood et Fort Stevens aux USA) ou un avion solitaire (Mount Emily aux USA). Les attaques par ballons sont la seule et unique vague massive d'attaques sur le territoire continental américain. Sur les 9000 ballons largués, les japonais estimaient que 10% pourraient atteindre le sol américain. Selon les sources américaines seuls 300 ballons ont été observés au-dessus de leurs têtes.
Ces chiffres peuvent peut-être être modérés car les ballons-bombes n'étaient pas destinés à faire des victimes mais à semer la panique. Pour cette raison, les bombes larguées étaient de type incendiaires et devaient allumer des feux de forêts ou d'installations industrielles. Ces dispositifs ont-ils été efficaces? Aucunes réponses ne peut être clairement données car la presse et les autorités de l'époque tenaient secrètes les informations relatives aux ballons ou à toutes autres activités pouvant saper le moral de la population. Il semble toutefois certain que l'impact des ballons-bombes fut réduit. Malgré leur présence attestée de l'Alaska jusqu'à la Californie, on ne compte officiellement que 5 victimes civiles et une militaire.
Les conséquences de ces attaques auraient cependant être plus tragiques. Le 10 Mars 1945, un ballon-bombe a perturbé le centre de recherche de Hanford, accueillant le projet Manhattan (le projet ayant donné naissance à la bombe atomique). La bombe a causé un court-circuit dans le réseau alimentant le système de refroidissement du réacteur nucléaire. Heureusement, le réseau auxiliaire, indemne, a immédiatement pris le relais.
Devant les faibles résultats de ces attaques à distance et le caractère aléatoire des cibles, l'armée japonaise arrête donc l'envoi des projectiles volants en Avril 1945. Sur les milliers de bombes envoyées, seul un petit nombre a été retrouvé. Beaucoup se sont perdues en mer mais certaines continues d'être découvertes au cours des années. Elles ont rejoint le contingent des restes explosifs de guerre (Explosive Remnants of War (ERW) ou UneXploded Ordnance (UXO)), un risque rare sur le continent Nord Américain.