UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
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Baron d'Holbach
Le baron Paul Henri Tiry d'Holbach est d'origine allemande, du Palatinat, région frontalière bilingue. Il naît en 1723 à Edesheim. Il fait ses études à Leyde en Hollande. Il se fixe définitivement à Paris en 1748. Il épouse d'abord sa cousine, Basile d'Aine, puis, après sa mort en 1754, la s½ur de celle-ci, Charlotte. Il est à la tête d'une grande fortune qu'accroîtront encore les héritages de son oncle et de son beau-père, ce qui lui permet de consacrer exclusivement sa vie aux travaux de l'esprit.
Il s'intéresse à la chimie et à la minéralogie et traduit d'importants ouvrages latins, anglais, suédois et allemands. Il traduit notamment Stahl, Hobbes, Swift etc.
Il s'engage surtout dans l'aventure de l'Encyclopédie (à partir de 1751) et écrit des articles de chimie, de minéralogie et de métallurgie. La science allemande est alors très avancée et un hommage lui est rendu dans l'avertissement du second tome de l'Encyclopédie. Il écrit aussi des articles de philosophie, les articles Prêtres, Représentant (pris au sens politique : est-ce que la volonté peut se représenter ?), Théocratie, Marabout et dénonce toutes sortes de religions. L'interdiction de l'Encyclopédie l'engage en effet dans la lutte antireligieuse. En 1761, est publié Le christianisme dévoilé.
Autour de d'Holbach s'organise ce que les adversaires des Lumières ont appelé « la secte ou coterie holbachiste ». Il est aussi surnommé « le maître d'hôtel de la philosophie » parce qu'il a l'habitude de réunir à sa table les grands philosophes de son temps.
Rejetant le modèle politique anglais comme corrompu, il est partisan des insurgés d'Amérique (et sera même plus tard l'ami de Benjamin Franklin).
Son ouvrage essentiel, Le système de la nature paraît en 1770 sous le nom de Mirabeau, un ami de D'Holbach mort en 1760. L'ouvrage est immédiatement condamné à la lacération et au feu et est mis à l'index. Jusqu'à la mort de d'Holbach il ne sera édité que sous nom d'emprunt.
Il écrit encore, jusqu'en 1776, des essais de morale et de politique : Idées naturelles opposées aux idées surnaturelles (1772), Le système social (1773), L'Ethocratie (1776).
Il meurt en janvier 1789, l'année même de la Révolution française.

Apport conceptuel.

Pour d'Holbach, l'homme est un animal étrange qui préfère l'usage du préjugé à l'exercice de sa raison. Parce qu'il privilégie les constructions abstraites, il néglige les leçons de la nature et est, par là, l'artisan de son propre malheur. Le Système de la nature est donc un traité de la libération de l'homme fondé sur une théorie vraie : le matérialisme, l'empirisme et l'athéisme.

Théorie de la nature.
En empiriste, d'Holbach considère que le sensible est le critère qui permet de décider de la vérité d'une assertion ou de son caractère illusoire. Il refuse tout système métaphysique au profit d'un système nouveau (car penser, c'est systématiser) qui consiste à unifier les principes découverts par l'expérience adéquate en un principe unique (qui n'est pas au point de départ mais au contraire au résultat). Pour d'Holbach, ce principe unique est la nature et la nature c'est la matière. Le matérialisme étudie la nature en elle-même mais le matérialisme de D'Holbach est un matérialisme finalisé par le souci de comprendre l'homme. Pour se comprendre lui-même l'homme doit abandonner les « arrières-mondes » qui brouillent l'imagination et entravent la pensée.
La nature est un fait. Elle existe et la seule chose qu'on peut faire est de l'expliquer et certainement pas de se demander d'où elle vient. La nature est matière mais la matière n'est pas conçue comme chez Descartes comme une étendue connue par la physique géométrique. Elle n'est ni homogène ni inerte sinon il faudrait trouver une autre origine à la vie et on ne pourrait plus être matérialiste. Elle est constituée de matières hétérogènes dont chacune a ses propriétés. Le mouvement est co-éternel à la matière et ce qui conserve le mouvement est le mouvement lui-même. Il n'est donc pas nécessaire de recourir à Dieu comme créateur du mouvement. Le mouvement est effort, tension et provoque le déplacement (sans être lui-même déplacement). Le repos n'est donc, dans la nature, qu'apparent. Le vrai caractère de la matière, c'est l'impetus c'est-à-dire l'effort interne au corps et non le résultat d'un choc. D'Holbach s'oppose donc aux mécanistes qui ne croient qu'aux chocs. C'est de cet impetus que vont pouvoir dériver le désir humain et les attitudes passionnelles.
Le mouvement différencie, qualifie, est source de tous les changements de la nature. La nature fermente (et donne le vivant), engendre, croît, s'animalise, devient vive, est source de la pensée. Quand l'individu meurt, il devient un agrégat de matière agitée.
La nature n'est ni machine, ni horlogerie car la machine suppose un Dieu créateur. Elle est une manufacture. « Chaque partie travaille les matériaux », ce qui suppose une immanence.
L'évolution de la nature se comprend en termes de sympathie et d'antipathie.

Théorie de l'homme.
L'homme est une partie de la nature et, comme tel, ne peut comprendre le tout, ce qui interdit toute prétention métaphysique à la totalisation.
Les mouvements internes et combinés de la matière inerte (dont nous venons de voir qu'elle n'est justement pas vraiment inerte) peuvent engendrer de la matière vivante. Rappelons qu'à l'époque on croit encore à la génération spontanée.
La vie engendre la pensée par les mouvements du cerveau. À partir des sensations, s'engendrent perceptions, images et idées qui sont des modifications du cerveau rapportées à des objets extérieurs qui sont les causes de ces mouvements. Le cerveau peut aussi agir sur lui-même et il va se rendre naturellement capable de mémoire, d'imagination, de volonté, de jugement. La pensée naît de la réflexion (au sens optique du terme) du cerveau sur ces propres activités que l'action matérielle a rendu possibles. D'Holbach va donc plus loin que Locke : la réflexion n'est pas innée mais est aussi une fonction matérielle (sans être matérialistes, Hume et Condillac iront dans le même sens).
D'Holbach récuse la notion d'âme au profit de l'organe cérébral, matière organisée capable de réfléchir sur elle-même. Si les animaux ne réfléchissent pas, c'est que leur cerveau est moins organisé. La notion d'âme est, pour d'Holbach, une mystification du cerveau qui ne se connaît pas encore lui-même.
Mais la notion d'âme permet de penser la liberté. On ne s'étonnera donc pas que d'Holbach, parce qu'il refuse cette notion d'âme, considère que le libre arbitre, comme choix radical, est une « stupidité qui déshonore la philosophie ». Être libre, c'est seulement rechercher son utilité mais les lois de la nature et de la matière sont des lois nécessaires. L'homme est soumis à la légalité naturelle. L'homme est un et l'homme moral n'est que l'être naturel considéré sous un certain point de vue. Distinguer l'homme moral est donc l'illusion d'un esprit égaré. La liberté des métaphysiciens suppose du hasard dans la nature alors que le hasard n'est qu'ignorance des causes. Le libre arbitre n'est que l'hésitation d'un homme dont le cerveau n'a pas assez de raison pour se déterminer. Être libre, c'est agir selon sa nature propre, en connaissance de cause. Quand l'homme se connaît et connaît les causes qui le déterminent, il peut se modifier, se transformer. Connaître, c'est pouvoir devenir autre chose. Il faut donc cultiver l'homme pour qu'il puisse s'améliorer. L'éducation est une « agriculture de l'esprit ». Il faut par l'éducation permettre aux hommes d'atteindre leur but final que leur assigne la nature matérielle, à savoir le bonheur. La matière est le lieu de forces vives tendues en vue de la formation de sociétés où chacun se comporte conformément à sa nature. La nature tend à sa propre adéquation avec elle-même. C'est parce qu'il est un produit naturel que l'homme cherche sa propre utilité. Les hommes doivent accomplir un ordre naturel que la nature seule laisserait à l'état de virtualité. La nature arrive à ses propres fins par l'homme (mais l'homme est naturel). Éveiller la nature, c'est ½uvrer à son propre bonheur et accéder à la vérité ne peut jamais rendre malheureux. Tout individu humain tend à la conservation de soi c'est-à-dire aussi à l'amélioration de soi-même. L'amour de soi est un sentiment naturel et légitime et les passions qui poussent l'homme à se conserver sont des principes utiles naturels.
Chaque individu est différent naturellement et d'Holbach conclut à la nécessité d'une tolérance mutuelle. La bienveillance naturelle est la vertu minimale sans laquelle aucune société ne subsiste. Mais comment accorder entre eux des individus naturellement différents ?

La vie en société.
D'Holbach pense que l'homme est toujours dans un état social même si c'est un état social sauvage (c'est-à-dire sans État). Les hommes ont tacitement accepté un pacte (et non un contrat) où chacun s'engage à ne pas nuire à l'autre, à lui rendre service mutuellement. Néanmoins, chacun cherche à se conserver soi-même, cherche son utilité et risque de menacer l'unité du pacte. Il faut donc une force commune ayant fonction de modération qui n'est autre que la loi. La loi est issue d'une volonté organisée qui n'est légitime que si elle est librement consentie par les citoyens parce qu'elle conserve le but social qui est l'utilité de chacun. La finalité de la société est donc d'assurer d'abord l'intérêt général (c'est-à-dire la liberté au sens social), et ses conséquences qui sont la propriété et la sûreté de chacun. La liberté au sens social est la possibilité de faire son bonheur sans nuire à celui des autres c'est-à-dire de rechercher des plaisirs utiles qui permettent la conservation de soi.
Il faut équilibrer, contrebalancer les passions c'est-à-dire les élever à la réflexion. L'homme raisonnable en société est le citoyen qui comprend que son intérêt véritable est d'être vertueux. La vertu est équilibre des passions et ne peut donc exister qu'en société. Elle régit les rapports avec les autres. La vraie politique doit régler les passions des hommes et les élever à la vertu. Politique et morale sont inséparables et sont fondées sur les lois de la nature.
D'Holbach préconise un équilibre des pouvoirs permettant d'éviter cet excès fondamental qu'est le despotisme.

Critique de la religion.
Les religions ont germé dans le cerveau non cultivé de l'homme. C'est l'existence du mal dans le monde qui a créé les idées sur la divinité. Le mal existe, en effet, dans la nature et a, d'ailleurs sa nécessité. Il pousse l'homme à s'éveiller et à se transformer. Sans lui, nul progrès n'est possible. Le problème est que la religion s'oppose à cela par les forces ténébreuses de l'imagination. Les religions ont un rôle oppressif et ont partie liée avec les politiques qui asservissent les hommes. Elles maintiennent les hommes dans la terreur de la mort et les entretiennent dans un bonheur illusoire (après la mort). Elles sont immorales parce qu'elles poussent à la vertu uniquement pour la récompense quand la vertu doit être cherchée pour la vertu.
D'Holbach dénonce les sophismes qui soutiennent les preuves de l'existence de Dieu où il dépiste un anthropomorphisme déguisé. Les qualités de Dieu sont les qualités magnifiées de l'homme. Dieu est création de l'homme (et a donc une origine matérielle). On ne peut conclure une existence d'une idée. L'existence n'est jamais le résultat d'une déduction. Elle est un fait (Kant le dira avant d'Holbach, mais d'Holbach n'a pas lu la Critique de la raison pure et donc l'ignore).
Il faut combattre toutes les superstitions et l'athéisme est la seule position conforme à la nature, à la morale naturelle, à la dignité de l'espèce humaine. L'athée connaît la nature et est le vrai citoyen. Aucune forme de religion ne peut fonder la morale. La morale est autosuffisante. Athéisme et morale sont nécessairement liés.