UN PEU DE TOUT... BEAUCOUP DE RIEN
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Saint Just
Louis Antoine de Saint-Just est né le 25 août 1767 à Decize (Nièvre). Il est le fils d'un militaire à la retraite qui, quoique roturier, avait atteint le grade de capitaine et la distinction de chevalier de Saint-Louis. En 1776, un an avant de mourir, Monsieur de Saint-Just revient avec sa famille dans sa Picardie natale et prend possession d'une maison dont il vient d'hériter dans le village de Blérancourt (Aisne).

Orphelin de père à l'âge de douze ans, Louis-Antoine entre chez les Oratoriens de Soissons, où il manifeste très vite de brillantes aptitudes intellectuelles ainsi qu'un esprit frondeur, avant de faire son droit à Reims. En 1787, revenu à Blérancourt, il se heurte à l'autorité de sa mère qui, à la suite d'une fugue à Paris, obtient une lettre de cachet et le fait interner durant quelques mois dans la maison de correction de Picpus. Il profite de sa détention pour écrire L'Organt, un poème satirique de huit mille vers, qu'il fait éditer en 1789.

Saint-Just s'enthousiasme pour la Révolution dès ses premiers soubresauts et rejoint la garde nationale de Blérancourt. Toujours animé par des projets d'écriture, il fait publier en 1791 un essai intitulé L'esprit de la Révolution et de la Constitution de France qui s'inspire des principes de Montesquieu. Attentif aux événements parisiens, il manifeste très tôt une vive admiration pour Robespierre à qui il écrit d'ailleurs en 1790 : "Vous que je ne connais comme Dieu que par des merveilles, je m'adresse à vous".

Trop jeune, Saint-Just ne peut prétendre être élu à l'Assemblée Législative qui se réunit en 1791. Il ne se morfond que quelques mois de plus à Blérancourt puisque la chute de la monarchie aboutit aux premiers jours de septembre à l'élection au suffrage universel de la Convention nationale. Saint-Just est élu pour le département de l'Aisne, quelques jours seulement après son vingt-cinquième anniversaire.

Au sein de la nouvelle assemblée, il siège à la Montagne et fait sensation dès sa première intervention dans les débats, le 13 novembre 1792, lorsqu'il réclame l'exécution du roi sans jugement en arguant, selon une rhétorique implacable inspirée de Rousseau, qu'il n'y a pas de compromis possible : "cet homme doit régner ou mourir". Inconnu la veille, Saint-Just s'impose comme un des orateurs les plus écoutés de la nouvelle assemblée.

En juin 1793, il est désigné par ses collègues pour faire partie du Comité de Salut Public où il s'attelle immédiatement à la rédaction du projet montagnard de constitution. Il s'oppose alors durement à Condorcet, auteur du projet girondin, et à Hérault de Séchelles, son collègue du Comité, dont il dénonce la nonchalance et le manque de rigueur dans la rédaction du texte constitutionnel.

Après l'adoption de la Constitution de l'An I, dont il fera reporter l'application dans son discours du 10 octobre 1793 qui proclame que "le gouvernement est révolutionnaire jusqu'à la paix", il consacre l'essentiel de son labeur au sein du Comité de Salut Public –qui s'est étoffé durant l'été 1793 avec l'entrée de Robespierre et Couthon avec qui il forme vite une sorte de triumvirat jacobin- aux questions militaires et se fait envoyer en mission aux armées.

Une première mission auprès de l'Armée du Rhin, où il est accompagné de son collègue Lebas, lui permet de faire la preuve de ses aptitudes militaires et de son autorité. Ses méthodes spartiates, son courage physique et la confiance qu'il accorde à de très jeunes généraux aboutissent à la victoire de Landau. Véritable proconsul de la ville de Strasbourg, il applique inflexiblement la Terreur mais procède dans le même temps à l'arrestation de l'accusateur public de la ville, Euloge Schneider, un moine défroqué tyrannique et corrompu.

Rentré à Paris en janvier 1794, il rédige une législation sociale (les lois de ventôse) qui promet un partage rapide au profit des indigents des biens confisqués aux ennemis de la République et jette les bases d'un nouvel ordre social dont l'ébauche figure dans Les institutions républicaines, texte inachevé vraisemblablement écrit pendant ses campagnes militaires. Au printemps, il prend une part active à la lutte contre les factions et à l'écrasement des hébertistes en mars, puis des dantonistes en avril.

Il repart ensuite avec Le Bas auprès de l'Armée du Nord et participe à la victoire décisive de Fleurus. Rappelé par Robespierre, il revient d'urgence à Paris où il découvre les divisions au sein du Comité et l'isolement croissant de l'Incorruptible. Partisan d'une dictature imposée par les circonstances ("la force des choses"), il déploie tous ses efforts pour mettre un terme aux querelles qui minent l'action du Comité et qu'il croit davantage fondées sur des antagonismes personnels que sur de réelles divergences politiques. C'est lui qui propose la réunion de conciliation du 5 thermidor qui se traduit par un échec.

Devant cette situation, il prend sans hésiter le parti de Robespierre auquel il n'aura jamais manqué. Pourtant, le 9 thermidor, il se propose de tenir un discours nettement plus conciliant que celui prononcé la veille à l'Assemblée et aux Jacobins par l'Incorruptible. Il ne peut en lire que les premières lignes car il est immédiatement interrompu par le tumulte des conjurés qui le font arrêter avec les frères Robespierre, Couthon et Lebas. Tout au long des heures tragiques de Thermidor, il fait preuve d'un flegme dont il ne se départira plus. Il est guillotiné à Paris le 10 thermidor an II.

Son âge et son tempérament ont fait de Saint-Just une figure romantique dont le charisme reste intact aujourd’hui. Fidèle jusqu’au bout à la politique conduite par Robespierre à qui il était uni par une réelle convergence de vue, il s’est avéré un théoricien brillant tout autant qu’un homme d’action. Mais ce qui fait la force et l’originalité de Saint-Just, c’est son incroyable capacité à s’extraire du brouhaha d’une période tumultueuse pour jeter les bases d’un projet d’avenir, la République sociale dont il a tracé les contours. Il se sera montré visionnaire jusqu’à la fin, lui qui écrivait : « Je méprise la poussière qui me compose et qui vous parle ; on pourra la persécuter et faire mourir cette poussière ! mais je défie que l’on m’arrache cette vie indépendante que je me suis donnée dans les siècles et dans les cieux… »